HealthManagement, Volume 4 - Numéro 1, 2011

Auteur

Dr Jean-Paul Duez

Cabinet d'imagerie médicale

Pôle de santé du Pays de Matisse

le Cateau-Cambrésis, France

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Le pôle de santé du pays de Matisse est né de la réunion, sur un même site, de trois structures différentes tant par leur entité que par leur fonctionnement dans le but de pérenniser, dans une région fortement défavorisée, une offer de soins adaptée. Il est formé par :

1. le centre hospitalier, structure publique, propriétaire des locaux ;

2. la clinique des hêtres, structure d’hospitalisation privée, avec concession de service public, dont l’activité est chirurgicale ;

3. le centre d’imagerie médicale de « Le Cateau-Caudry », société d’exercice libéral.

 

Cette coopération entre le centre hospitalier et la Clinique est ancienne : dès 1994, les deux structures avaient lié des liens conventionnels de partenariat. La décision de regroupement des deux établissements a été autorisée par la commission exécutive de l’agence régionale de l'hospitalisation (ARH) en mai 1999 et la convention définitive de regroupement signée par l’ensemble des parties en décembre 2001. La convention précisait les coûts de l’opération, les autres postulats techniques et financiers, et la contribution financière et non financière des quatre partenaires que sont l’ARH, le centre hospitalier, la clinique des hêtres, et la radiologie.

 

En décembre 2006, après construction d’un nouveau bâtiment et réaménagement de l’ancien hôpital, la clinique des hêtres a intégré les nouveaux locaux, puis le cabinet d’imagerie s’est installé sur le pôle de santé du Pays de Matisse en juillet 2007. Le scanner accordé en 2005 a été installé et l’autorisation de fonctionner a été donnée en décembre 2007.

 

La Situation Géographique

Le Cateau-Cambrésis, 7 460 habitants, chef lieu du canton du Catésis (17 406 habitants) regroupant 18 communes, est une ville historique du département du Nord qui a vu naître Matisse. Un superbe musée lui est consacré, situé au sud du département, à proximité du département de l’Aisne.

 

Comme beaucoup d’endroits dans notre région, nous travaillons dans un territoire de santé des plus difficiles avec un taux de chômage à 25 %, un taux de mortalité prématuré, toutes causes confondues, de 40 % supérieur à la moyenne nationale et un taux de mortalité par cancer supérieur de 10 à 70 % en fonction de la localisation par rapport aux moyennes nationales. Seule exception, les cancers des voies aérodigestives supérieures chez la femme avec un taux de mortalité inférieur de 70 %.

 

Le Cateau présente une situation géographique particulière : la ville est éloignée de 30 à 40 kms des villes voisines où l’on peut trouver une structure hospitalière publique ou privée ; c’est cela qui lui confère une attractivité importante malgré sa petite taille, d’ailleurs en hausse depuis le regroupement. A contrario l’absence de regroupement aurait entraîné à plus ou moins long terme la disparition des structures d’hospitalisation.

 

Le Regroupement Des Structures d’Imagerie

Historiquement, une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) d’imagerie, constituée de deux cabinets d’imagerie situés au Cateau et à Caudry, villes distantes de 10 kms, assurait également l’imagerie dans la clinique ; cette activité sur trois sites n’était pas toujours simple, surtout dans la prise en charge des urgences. Le cabinet de Caudry a été maintenu, et les prestations d’imagerie pour les autres structures (cabinet du Cateau, clinique et hôpital) ont été regroupées sur le pôle de santé, ce qui nous a permis de le simplifier et d’améliorer le service rendu au patient en réalisant dans des délais les plus courts possibles une imagerie adaptée à la pathologie suspectée, dans l’esprit du bon usage des examens radiologiques. D’autres raisons plus techniques comme l’ancienneté des bâtiments, leur aspect peu fonctionnel et en particulier un accès au cabinet de radiologie peu pratique pour les personnes à mobilité réduite et les brancards ont également été des arguments déterminants.

 

L’engagement de fermer et de transférer le cabinet du Cateau sur le site du pôle de santé a été pris lors de la signature définitive de la convention entre les partenaires et l’ARH, le directeur de l’ARH ayant pris à cette date l’engagement d’autoriser l’installation d’un scanographe sur le site. Cet engagement a été un argument important dans notre décision puisqu’il nous permettait d’améliorer considérablement le service rendu aux patients en diminuant les délais d’attente et les distances à parcourir pour réaliser ces examens, et par ailleurs de réaliser des explorations de qualité dans des vacations moins surchargées.

 

Le Bilan

Avec bientôt quatre ans de recul, l’intérêt d’un tel regroupement est indéniable. Voici les chiffres relatifs à l’augmentation de l’activité de 2006 à 2010 :

• Médecine, chirurgie et obstétrique : + 53 %

• Passages aux urgences : + 71 %

• Consultations : + 100 %

• Maternité : augmentation du nombre d’accouchements de plus de 6 % par an

• Activité chirurgicale : + 20 %

• Consultations en radiologie : presque 100 % d’augmentation par rapport à 2006, en partie grâce

à l’imagerie de coupe (en 2008, première année d’installation du scanner, nous avions reçu 6 685 patients pour 8 300 FT et en 2010, 8 320 patients pour un peu moins de 11 000 FT).

 

En corollaire, il y a eu l’arrivée d’un nouvel associé. Le pouvoir attractif est réel pour de jeunes radiologues mais aussi pour les médecins généralistes de la région : environ 40 médecins sont venus compléter la structure en y installant, jouxtant le service d’accueil et des urgencies (10 800 passages en 2010), une maison médicale de garde où ils réalisent plus de 2 800 consultations par an. Il faut également signaler une augmentation significative du recrutement pour l’ensemble des partenaires du regroupement sur les cantons du nord de l’Aisne et qui représente pour notre service d’imagerie presque 30 % de l’activité.

 

Une Amélioration De La Prise En Charge Du Patient Au-delà de ces chiffres, le résultat le plus probant est sûrementl’amélioration de la prise en charge du patient au sein de la structure : grâce à une coopération médicale de tousles instants, le patient est accueilli par le service des urgencies(public), bénéficie éventuellement d’une imagerie (libérale),puis d’un avis spécialisé (public ou libéral) sans se rendercompte de cet aspect administratif. Il en résulte une ameliorationdes pratiques professionnelles inter structures etune amélioration des conditions de travail, le décloisonnementdes structures permettant la communication directe entre les différentes directions.

 

L’attrait de la structure a eu des conséquences pour les trios partenaires : il nous a été facile de trouver un associé supplémentaire, comme de trouver des médecins radiologues compétents pour les remplacements lors des congés, et la clinique a accueilli des spécialistes (dermatologue, chirurgiens viscéraux et urologues). De nouveaux praticiens sont venus compléter le personnel médical de la structure publique en maternité, du service d’accueil et des urgences garantissant ainsi, en présence de médecins séniors, une prise en charge de qualité. De plus, les directions travaillent toujours ensemble au développement de l’outil de travail et nous devrions prochainement proposer à l’Agence régionale de santé (ARS) un projet médical unique et commun aux trois structures.

 

Les conséquences et effets bénéfiques inter structurels sont d’abord et avant tout, grâce à la synergie et au transfert des compétences de chacun, une sécurité de la prise en charge et une amélioration des pratiques professionnelles. L’exemple le plus concret en est la realisation des examens d’imagerie, en particulier scannographiques, demandés en urgence qui sont toujours effectués, compte rendu écrit compris, dans l’heure qui suit la demande, dans les quatre heures pour un examen semi urgent et dans les 24 heures pour une demande sans spécification, ce qui permet de diminuer les délais d’attente des patients et d’abaisser la durée de séjour, tant à l’hôpital qu’à la clinique.

 

Le regroupement a aussi une conséquence financière : une économie importante a été réalisée en mutualisant les besoins tels que la prise en charge hôtelière ou le bionettoyage. La disponiblité d’un scanner sur place a également permis de diminuer les coûts de transports. Cet exemple est assez représentatif de la dynamique gagnant-gagnant en activité des partenaires public-privé.

 

En Conclusion

Ce que nous avons réalisé sur le site du pôle de santé du Pays de Matisse peut être reproduit dans des villes où coexistent des structures de soins comme les nôtres. Il faut pour cela avoir la volonté de dépasser les préjugés : si on part du principe que secteurs public et privé ont le meme objectif, à savoir la prise en charge du patient et de sa pathologie, que le service rendu aux patients étant de meilleure qualité le taux de fuite diminue de façon significative, et qu’un cabinet d’imagerie disposant d’un scanner et d’une IRM permet à la fois de respecter le bon usage des examens d’imagerie et de réduire de façon significative le coût de la prise en charge globale d’un patient hospitalisé par la realisation d’examens adaptés à chaque pathologie, on peut alors jouer pleinement le « jeu » de la substitution. Reste que de tels regroupements ne pourront surement pas à eux seuls empêcher la désertification médicale, mais peut-être pourront-ils la ralentir.

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