HealthManagement, Volume 4 - Numéro 1, 2011

Un Processus d’Audit Externe Au Grand-Duché De Luxembourg
Auteur

Dr Denis Tack

Service de Radiologie

RhMS Clnique louis Caty,

baudour, belgique

[email protected]

 

un processus d’audit externe au Grand-Duché de Luxembourg L’irradiation de la population a de multiples sources. Historiquement, l’irradiation naturelle à la surface du globe (cosmique ou en provenance du sol) était la plus importante. Ces dernières années, les sources médicales ont supplanté les sources naturelles. Parmi elles, la tomodensitométrie (TDm) représente actuellement plus de la moitié de cette irradiation. Les facteurs qui l’influencent sont le nombre d’examens et la dose par examen. Le nombre d’examens dépend principalement de l’accès à la technique et du respect des guides de bonne pratique qui sont entre autre disponibles sur le site de la Société Française de radiologie, qui ont été repris en belgique et au Grand-Duché de Luxembourg. La dose par examen dépend également de plusieurs facteurs dont l’optimisation des paramètres du scanner.

 

Les Moyens Requis

Optimiser les paramètres d’une acquisition TDM consiste à réduire la dose d’irradiation tout en gardant la qualité d’image requise pour le diagnostic et est conforme au principe ALARA (As Low As Reasonably Achievable). Cette demarche est soutenue et entretenue par la directive européenne 97/43 dont l’application est en France sous la responsabilité de l’IRSN, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire. Conformément à la loi, l’action de l’IRSN est de mener des enquêtes sur les doses par examen et depublier les niveaux de références diagnostics (NRD). UnNRD correspond à une limite arbitraire de dose entre unebonne et une mauvaise pratique et est défini comme le percentile75 des doses observées. L’hypothèse est que la publicationdes NRD va entrainer une réduction spontanéedes doses observées.

 

Les Difficultés

Or, ce mouvement à la baisse des doses par examen n’est que très faiblement observé et l’IRSN ne dispose pas de moyens pour l’amplifier. La directive européenne n’a en effet pas prévu de récompense (un label de qualité ou de bonne pratique, par exemple) pour ceux qui irradient moins, ni de sanction pour ceux qui dépassent les NRD. Le movement à la baisse des doses par examens est d’autant plus difficile à susciter que les premiers NRD ont été établis sur des machines et des technologies actuellement totalement dépassées, incapables par exemple d’adapter la dose d’irradiation au volume du patient. Ces NRD historiques (1999) sont extrêmement élevés.

 

Logiquement, tout centre de TDM qui délivre une dose plus élevée qu’un NRD doit pouvoir réduire cette dose sans délai et l’optimiser. Si cette optimisation avait bien lieu, on observerait dans l’enquête suivante une baisse significative des NRD. Pourtant, avec un recul de six ans en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, on observe qu’ils ne diminuent pas ou presque pas : les NRD historiquement élevés ont toutes les peines du monde à diminuer.

 

Les Solutions

Elles sont potentiellement nombreuses et complémentaires.

1.Utiliser le niveau de référence diagnostic dans sa forme actuelle en y adjoignant un percentile 25, beaucoup plus bas, qui servirait de référence comme objectif d’optimisation (à l’inverse du percentile 75 qui ne suscite pas l’optimisation puisqu’il est et reste très haut) ;

2.Remplacer tout le parc actuel de scanners par les machines dernière génération. Le gain potentiel en dose est de 30 à 50 %, voire 80 % pour certains examens comme les scanners cardiaques. Le coût est cependant très élevé ;

3. Former les manipulateurs en scanner à maîtriser les parameters de leur machine qui influencent la dose. Cela s’avère très utile mais n’est pas une garantie suffisante de succès (ils n’ont pas le pouvoir de décision sur la qualité d’image à fournir) ;

4. Contraindre les radiologues à prendre conscience de la dose qu’ils délivrent : ceci est au moins partiellement acquis puisque les rapports d’examens TDM doivent mentionner le produit dose longueur (PDL) qui est le marqueur de cette dose. Cette mesure est obligatoire en France et en Suisse, mais pas en Belgique ni au Grand-Duché de Luxembourg ;

5.Demander aux radiologues une démarche active d’optimisation de la dose par coupe. Ce processus cependant complexe dépend étroitement de la machine : les unites de TDM qui s’y risquent sont minoritaires ;

6. Pour pallier aux difficultés évoquées ci-dessus, apporter une aide extérieure au processus d’optimisation de la dose par coupe.

 

Une Aide Externe Au Processus d’Optimisation

Constatant que l’optimisation n’était pas intégrée dans le processus radiologique au quotidien et que peu de radiologues (souvent insuffisamment formés à optimiser) se prêtent spontanément à des essais de réduction de dose qu’il pensent risqués, le département de la Radioprotection au ministère de la Santé du Grand-Duché de Luxembourg a initié une démarche de qualité portée sur l’optimisation de la dose par coupe. L’objectif était d’apporter à tous les services TDM du pays (neuf unités de TDM multicoupes) une aide externe en la personne d’un radiologue expérimenté en TDM et en réduction de la dose d’irradiation. Par ma thèse de doctorat et le livre publié sur la réduction de la dose en TDM, je répondais aux besoins du Ministère. J’ai eu le plaisir de jouer ce rôle.

 

La démarche était pour moi très intéressante car inédite. C’était un pari, voire un défi : je devais convaincre des collègues ayant étudié la médecine et la radiologie dans quatre pays européens différents (la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche). De plus, j’avais une connaissance poussée des machines d’un seul constructeur et une connaissanceuniquement livresque des mécanismes de régulation de ladose chez l’autre constructeur présent au Grand-Duché.L’enjeu était important car la réduction attendue de la doseannuelle collective des scanners au Luxembourg pouvaitêtre significative. J’ai répondu positivement à l’appel du ministèreen demandant à ce que les centres TDM du Grand-Duché adhèrent au projet et que chaque optimisation sefasse sur patients et en une seule journée (sur fantômes, celane sert à rien).

 

Les visites des différents sites de TDM se sont déroulées sur une période de quatre mois au cours de l’année 2009. Sur place, la collaboration était excellente avec l’ensemble des acteurs des services de radiologie. Les tests sur patients m’ont permis de proposer des protocoles optimisés de 30 à 70 % par rapport à ceux existants. Ces protocoles étaient enregistrés et laissés à disposition des utilisateurs à côté des anciens protocoles. Sur place, l’assistance du spécialiste d’application scanner du constructeur concerné permettait une bonne coordination et un enregistrement adéquat des protocols optimisés qui étaient parfaitement identifiés. Après la journée d’optimisation, un suivi de l’assistance sur base de questions-réponses par courriels a été proposé. Il n’a pas été utilisé.

 

Afin de vérifier l’utilisation de ces protocoles par rapport aux protocoles existants moins optimisés, le ministère de la Santé a conduit une seconde enquête en 2009 et l’a compare à l’enquête de 2007 réalisée juste avant le processus d’aide externe à l’optimisation.

 

Les Résultats

La comparaison des données dosimétriques entre 2007 et 2009 a montré que les NRD des six examens les plus frequents (TDM du crâne, des sinus, de la colonne cervicale, de la colonne lombaire, du thorax et de l’abdomen-pelvis) ont baissé de 50 % en moyenne (de 15 à 69 % selon l’examen). Les moyennes des doses délivrées ont diminué de 38 %. La dose collective annuelle du scanner au Grand-Duché a été réduite de 30 % pour un nombre constant d’examens. Les écarts entre les centres se sont nettement réduits. Le processus a été appliqué depuis lors à d’autres centres, entre autres en Belgique et en Suisse.

 

Réussites Et Limites Du Processus

Le processus d’optimisation aidé de l’extérieur par un radiologue ayant une expérience en optimisation a comblé une lacune fréquemment observée dans les services de radiologie

: le savoir-faire pour optimiser, le temps accordé au processus, et la fixation d’objectifs corrects, adaptés à la génération actuelle des scanners, en faisant abstraction des NRD beaucoup trop élevés. Le processus d’aide externe est court – une quarantaine de patients différents suffit à l’achever. Le coût est donc réduit. Si une connaissance approfondie de la littérature récente sur la dose est utile, la collaboration du constructeur du scanner est indispensable et accélère le processus.

 

Les limites sont cependant multiples. Il faut d’abord que les radiologues acceptent de s’adapter à la nouvelle image et utilisent réellement les protocoles optimises proposés. De plus, le processus d’aide externe ne s’est pas intéressé au nombre de passages effectués au cours d’un examen sur la région d’intérêt. Ce nombre influence fortement la dose (surtout pour l’abdomen) et les disparités de pratiques sont également très importantes pour ce paramètre.

 

Un audit sur la pratique systématique du scanner multiphasique mériterait aussi d’être considéré, en particulier pour les centres qui adoptent des protocoles multiphasiques par défaut. Enfin, en un laps de temps aussi court, l’apprentissage de la maitrise de la machine est clairement incomplet, tant pour les manipulateurs que pour les radiologues. Un effort important des constructeurs pour améliorer la maîtrise de la machine par les utilisateurs est souhaitable.

 

Enfin, un suivi à plus long terme est nécessaire. Ainsi, deux ans après optimisation, une troisième enquête de dose vient de s’achever au Grand-Duché de Luxembourg, indiquant que les niveaux de doses atteints immédiatement après le processus d’aide externe se sont maintenus.

 

En Conclusion

Par le processus d’audit externe des services de scanners, le Grand-Duché de Luxembourg a innové et réglé en un laps de temps très court la question de l’optimisation de la dose d’irradiation par coupe, réduisant le risque collectif de 30%. La réussite de ce processus indique que les constructeurs proposent des protocoles « d’usine » beaucoup trop irradiants et non correctement optimisés. Une remise en question de ces habitudes est souhaitable. Les constructeurs s’y prêteront d’autant plus volontiers que les utilisateurs demanderont explicitement qu’on leur propose une image optimisée.

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