HealthManagement, Volume 5 - Numéro 1, 2012

Auteur

Prof. Jean-Michel Bruel

PU-PH de Radiologie

Consultant qualité, gestion des risques, relations avec les usagers

CHRU de Montpellier, Centre A. Bénech

Montpellier, France

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Les usagers d’un système de santé en attendent les soins les mieux adaptés à leur état de santé et l’assurance que tout est fait dans ces soins pour « veiller à ce que leur capital santé restant ne soit pas dégradé ». La gestion des risques en santé est indéniablement un enjeu majeur de la qualité et de la sécurité des soins. Pourtant de nombreuses études soulignent la fréquence, la gravité et le caractère souvent évitable des Évènements Indésirables associés aux Soins (EIS). La sécurité des soins a pour objectif de « réduire le nombre d’Évènements Indésirables, Événements Porteurs de Risque (EPR) ou Événements Indésirables Graves (EIG) qui perturbent ou retardent le processus de soin, ou impactent directement le patient dans sa santé » (European Society for Quality in Health Care).

 

La survenue d’un évènement indésirable grave associé aux soins est rarement liée au manque de connaissance des professionnels. Elle est la résultante de la combinaison de causes diverses qui ont trait à la qualité du soin, et à de multiples facteurs dans l’organisation générale de l’environnement matériel et humain dans lequel ce soin est donné. La reduction du risque de survenue d’un évènement indésirable grave repose donc à la fois sur l’implication de chaque professionnel de santé pour réaliser un acte de soin dans les conditions de qualité requises et l’appropriation par tous les professionnels de santé d’une culture de sécurité permettant la meilleure organisation des soins, en termes de préparation, de réalisation, de coordination, de verification et de communication 1.

 

Mais une culture de sécurité ne saurait seulement être décrétée. Elle se construit, s’installe (« acculturation ») et se partage.

 

Construire Une Politique Sécurité Basée Sur La Gestion Des Risques Associés Aux Soins.

L’organisation de la qualité et de la sécurité du geste de soin et de son environnement a conduit aujourd’hui à la normalisation et la diffusion de procédures multiples (« écrire ce que l’on fait »), à la vérification régulière de leur mise en oeuvre sur le terrain (« faire ce que l’on a écrit »), puis à leur évaluation et si nécessaire leur amélioration. Dans cette prevention se sont impliqués les professionnels sur le terrain, mais aussi leurs sociétés savantes. Cette approche a priori des risques permet une démarche préventive basée sur le recensement de risques déjà repérés, sur leur structuration en une « cartographie des risques » et sur un ensemble d’actions de prévention à planifier, mettre en oeuvre et évaluer. Pour tout soin à risque, le rapport entre les benefices attendus et les risques encourus a priori doit être individuellement évalué avec le patient pour lui permettre d’accepter (« consentement éclairé ») ou non ce qui lui est proposé.

 

Cette évaluation du rapport bénéfice-risque doit être menée avec le patient en dépassant le cadre des conditions techniques de réalisation d’un geste pour s’appuyer sur des valeurs d’attention à l’autre, de coordination entre professionnels, de choix partagé du « meilleur soin au patient », et de transparence et loyauté dans les informations à donner sur les évènements indésirables prévisibles ou non. Elle doit être rapportée dans le dossier personnel du patient et sa traçabilité évaluée.

 

Les Évènements Indésirables associés aux Soins ne se limitent pas en effet à la survenue d’un risque qui était prévisible. Le dommage associé aux soins subi par le patient peut être dû aussi à des complications liées à sa maladie, un aléa thérapeutique, une erreur. Tout évènement indésirable survenu doit être pris en compte. Cette approche a posteriori du risque permet une démarche réactive basée sur le Retour d’EXpérience (REX) utilisant le signalement systématique des évènements indésirables par les professionnels, l’analyse des évènements indésirables graves dans le cadre de Réunions de Morbi Mortalité (RMM), la mise en oeuvre d’Évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) mais aussi le signalement d’évènements indésirables par les patients eux-mêmes.

 

Ces deux approches sont étroitement complémentaires et l’analyse a priori régulièrement ajustée à partir des analyses a posteriori qui ont mis en évidence un dysfonctionnement jusque-là méconnu.

 

Manager Le Passage De l’Exigence d’Une Qualité Normative Administrative à La Dynamique Du Besoin Professionnel

L’appropriation par l’ensemble des professionnels de santé d’une culture de sécurité ne peut se réduire à l’exigence du respect de règles et de procédures. L’accroissement de ces règles, en nombre et complexité, fait peser le risque qu’elles ne soient ressenties par les professionnels que comme des normes administratives contraignantes. La qualité et la sécurité des soins ont besoin d’une dynamique prenant en compte les initiatives de terrain. Ces initiatives respondent aux besoins professionnels, valorisent les compétences professionnelles, renforcent le travail en équipes coordonnées, permettent de mieux comprendre les règles et procedures dans leur ensemble, et confortent la culture de sécurité. Le développement de ces initiatives implique un engagement managérial convaincu de l’importance de la sécurité des soins et de ses enjeux, attentif à l’identification et la mise en oeuvre de mesures de correction, conscient des effets négatifs des contre-exemples mais aussi soucieux de l’ensemble des retours positifs sur l’équipe soignante et chacun des professionnels qui la constituent.

 

Une Culture Partagée De La Sécurité Des Soins : Pourquoi En Exclure La Personne Soignée Et l’Usager ?

L’usager d’un système de soins sait aujourd’hui que le risqué zéro n’existe pas et comprend que comme toute activité humaine, l’activité de soin n’est pas à l’abri de l’erreur. Il n’admet par contre pas, à juste titre, qu’on ne cherche pas à réduire les risques évitables et a fortiori qu’on puisse les lui cacher ou dissimuler une erreur. « L’erreur n’est pas une faute si tout est fait pour qu’elle ne se reproduise pas ». Il est donc essentiel de partager avec l’usager la culture de sécurité des soins en confortant sa confiance et en le rendant acteur de sa sécurité.

 

La confiance mutuelle entre soigné et soignant n’est pas un principe. Elle se fonde sur le partage de valeurs que sont la dignité et le respect, la vigilance et la responsabilité, la réciprocité, la transparence et la loyauté. Elle nécessite une information claire et loyale, que nous devons a priori au patient sur le rapport bénéfice-risque du soin qu’on lui propose. Elle rend impérative l’annonce d’un dommage associé au soin survenu a posteriori. Les conditions d’annonce de ce dommage, la proposition des measures à prendre pour en corriger l’impact sur la santé du patient, l’information sur les actions mises en oeuvre pour que ce dommage ne se reproduise pas doivent maintenir la confiance et la renforcer 2. Si la coordination entre équipes est à la base de la sécurité des soins, elle dépasse la seule gestion du risque : nous devons faire en sorte qu’elle s’attache également à la coordination et à la continuité des soins à organiser lorsque surviennent des résultats ou évènements urgents ou inattendus.

 

L’usager devient un acteur de la sécurité des soins, la sienne et celle des autres, dès lors qu’il est systématiquement sollicité dans ce sens. Les professionnels doivent prendre en compte les plaintes individuelles des patients, considerer la gravité du dommage subi selon le point de vue du patient, mettre en place des actions correctrices des dysfonctionnements analysés. Mais le patient doit aussi être incité à poser des questions aux professionnels, à connaître ses antécédents et sa maladie – notamment en termes de facteurs de risque – et à signaler tout dysfonctionnement dans une démarche où il est reconnu par les professionnels comme participant à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Cette implication de l’usager dans l’organisation des soins et la politique d’un établissement de santé doit être confortée au plus haut niveau managérial de l’institution et relayée par l’ensemble des professionnels. La Commission des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la Prise en Charge (CRUQPC) doit remplir cette double mission d’accompagnement du signalement individuel des patients (en règle générale sous forme de plainte ou réclamation) et de propositions de recommandations pour mettre en oeuvre des actions d’amélioration. Elle doit pour ce faire donner une place incontournable aux usagers.

 

La sécurité des soins, la pertinence des actes médicaux, la transparence de la démarche de soins et la loyauté des informations échangées doivent être des enjeux partagés entre usagers et professionnels du système de santé. Ce partage d’une culture de sécurité entre soignants et soignés ne se fera pas du jour au lendemain. À chacun de nous d’être convaincu qu’en termes de qualité et de sécurité des soins « le patient est peut-être la solution au lieu d’être le problème ».

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