HealthManagement, Volume 4 - Numéro 2, 2011

Création d'Une Situation Gagnant-Gagnant Pour Les Hôpitaux Et l’Environnement
Auteurs

Anja leetz

Directeur exécutif

Health Care Without Harm, Europe

Bruxelles, Belgique

P. Gluszynski

Ch. Winkler

Keith W.

[email protected]

 

Les bonnes pratiques en matière de gestion des déchets hospitaliers commencent avec les achats. Moins on achète d'articles jetables, moins il y aura de déchets à éliminer. Une meilleure classification des déchets et un tri sélectif plus attentif font qu’il y a moins de contamination et de mélange de déchets, et plus de recyclables.

 

Les Achats : Une Solution Pour La Réduction Des Déchets

La constante préoccupation des hôpitaux est d’offrir des soins de qualité tout en maintenant des taux d'infection faibles et en contrôlant les coûts.

 

Pourtant, ils font face à des réalités très différentes. S'ils ont un gestionnaire de l’environnement ou des déchets, ils s’attaquent généralement à la fin du processus, où les déchets sont en attente d'être traités, et non pas à son début, au niveau des achats. Les hôpitaux qui externalisent l'ensemble de la procédure de gestion des déchets payent très lourd leur tranquillité d'esprit, sans se donner les moyens de réduire les déchets et les coûts qui y sont associés.

 

Des Groupes De Travail Sur Les Déchets Sont Facteurs De Changement

« Health Care Without Harm » recommande la mise en place sur le site de l'hôpital de groupes de travail sur les déchets pour élaborer, surveiller et améliorer les programmes de réduction des déchets. Pour être efficaces, ils ont besoin de l’aide et de la coopération d'experts issus de tous les services de l'hôpital et à tous les niveaux professionnels. Les membres du groupe de travail sur les déchets devront auditer les pratiques hospitalières et fixer des objectifs clairs à court et à long terme. Leurs investigations devraient s’intéresser à l’analyse des achats de produits et de médicaments, au regard des déchets générés, à identifier les types et la quantité des rejets générés au sein de l'hôpital et, dans l’idéal, à comparer ces données avec les informations issues d'un établissement médical similaire. Ils devraient developer des recommandations sur la gestion raisonnée des approvisionnements.

 

Cela permettrait d’instaurer des pratiques d'achat de produits, médicaments et aliments limitant la quantité et la toxicité des déchets induits. Des procédures facilement accessible au personnel devraient également être mises au point pour le classement, le tri sélectif et la gestion des déchets. Un programme de collecte sélective des différents déchets devrait être élaboré en lien avec d’éventuels marchés de recyclage. Les paramètres techniques de gestion des déchets doivent être définis aussi bien sur le site que dans les différentes annexes de l'établissement. Il est important d’effectuer une estimation des économies envisagées avant de lancer un tel programme. Du matériel d'information doit être mis à la disposition du personnel et des patients, et le personnel doit être formé pour pouvoir s’engager pleinement.

 

Une Voie à Suivre : Des Achats Eco-Responsables

Mettre en place une politique d’achats écologiques (« Environmentally Preferable Purchasing », EPP), c’est évaluer l'impact des produits sur la santé humaine et sur l'environnement avant de les acheter, et choisir les produits et services les moins nocifs. On peut éliminer les produits qui contiennent du mercure, des composés du chlore, du brome, du cadmium, du plomb et les substances chimiques qui perturbent le fonctionnement de l'organisme, comme les phtalates. Le « Stockholm County Council », par exemple, dispose d'une liste de produits chimiques qui ne devraient pas être achetés par leurs hôpitaux municipaux. Choisir une politique d’achats écologiques, c’est s’engager dans un processus graduel et continu par lequel un hôpital affine et élargit continuellement la portée de ses efforts pour sélectionner des produits et des services sains, sûrs et respectueux de l'environnement.

 

Le cabinet allemand Ökopol a travaillé avec environ 70 hôpitaux allemands pendant plus de trois ans pour introduire une politique d’achats écologiques et a constaté que la plupart des hôpitaux choisissaient des produits trop chers et de mauvaise qualité. Le principal problème qu’a rencontré Ökopol était de constituer un groupe interne de travail sur les achats rassemblant le personnel concerné. Sous cette condition, des analyses ont pu être effectuées en utilisant les critères développés par l'équipe en collaboration avec Ökopol, et très rapidement les produits ont pu être changes et des économies réalisées.

 

L'introduction de recommandations éco-responsables est la clé pour réduire la quantité et la toxicité des déchets. La réduction à la source devrait être prioritaire par rapport à la réutilisation et au recyclage, et pourtant c’est là où sont actuellement concentrées une bonne partie des energies portant sur la gestion des déchets. Nous devons nous rappeler que tous les produits achetés finiront par devenir des déchets plus ou moins lourds et coûteux. Il est intéressant de remarquer que le bilan carbone du « National Health Service » (NHS) entre les années 1992 et 2004 représente 25 % des émissions du secteur public en Angleterre (60 % provenant des achats, 22 % de la construction, et 18 % des transports). L'approvisionnement est non seulement une source importante de déchets, mais aussi d’émissions de CO2 ; des transformations des politiques d'achat aideront donc à lutter contre le changement climatique.

 

Un des critères les plus simples mais très efficace est le poids du produit : sélectionnez le produit le plus léger après l’avoir comparé, lui et son emballage, avec des produits similaires d’autres fournisseurs. Un autre critère, qui s’applique d'abord à l'emballage et aux produits qui n'entrent pas en contact direct avec les agents pathogènes, est le potentiel de reutilisation et /ou de recyclage. D’un point de vue hygiénique et sanitaire, les produits jetables devraient si possible, être éliminés. Les produits réutilisables doivent être nettoyés, et donc consomment plus d'énergie, d'eau et de désinfectants. Pourtant, en règle générale, la dépense totale (achat et utilisation) est plus faible pour un produit réutilisable que pour un produit à usage unique. Il est également plus respectueux de l'environnement de réutiliser un produit et de le nettoyer que d’en fabriquer un nouveau à chaque fois. Les analyses effectuées dans les hôpitaux ont montré que les produits jetables – tasses à usage unique pour l'administration du médicament, biberons pour l'alimentation des nourrissons, abaisse-langue, sachets de colostomie et tubes pour intubation, entre autres – peuvent être reutilises au bénéfice de l'environnement et des finances de l’hôpital, sans nuire à la qualité de la prestation.

 

Classification Des Déchets Et Tri Sélectif

Afin de réduire les coûts et les déchets, les gestionnaires doivent accorder toute leur attention à la mise en oeuvre de procédures soigneusement planifiées. En premier lieu, les différents déchets doivent être correctement identifiés, isolés et éliminés pour éviter une menace pour la santé humaine et l'environnement. Si le personnel ne dispose pas de procédures faciles à suivre, les différents déchets (municipaux, médicaux, médicaux infectieux, dangereux et déchets faiblement radioactifs) sont mélangés et deviennent uniformément dangereux, ce qui exige des méthodes de traitement plus coûteuses et moins respectueuses de l'environnement. Grâce à des progrès constants dans le tri sélectif, le CHU de Tours en France a réussi à réduire, de 2000 à 2007, sa production de déchets médicaux infectieux de 1,4 à 1,08 kg par lit et par jour.

 

Pour parvenir au tri sélectif, les politiques doivent être explicites et gérables par le personnel. Les conteneurs pour la collecte sélective des déchets devraient être situés à l’endroit où les déchets sont générés et ne pas gêner le personnel au quotidien. Ils doivent être clairement etiquettes (code couleurs, symboles) pour rendre le tri sélectif plus aisé. La formation et la motivation du personnel sont importantes pour sa mise en oeuvre. Un hôpital de Luxembourg, par exemple, étiquette ses sacs pour identifier les services qui produisent le plus de déchets et cibler la formation sur ceux qui sont à la traîne. Cette base de données facilite le suivi du tri des déchets.

 

Le Recyclage

Plus de la moitié des déchets générés par les soins de santé viennent des différents types d'emballages. La plupart de ces déchets n'ont aucun contact direct avec des agents infectieux ou des substances dangereuses. Ils peuvent souvent être recyclés, et ne doivent pas être mélangés avec des déchets non recyclables, infectieux ou dangereux. Le King's College Hospital, au Royaume-Uni, a pu par exemple augmenter le taux de recyclage du carton de 115 % de 2008 à 2009 grâce à l'amélioration de ses procédures internes. La clé du succès ici a été la motivation du personnel, la formation, et la facilité d'accès aux bacs de recyclage.

 

Le Traitement Et La Neutralisation Des Déchets

Les déchets médicaux infectieux doivent subir un traitement afin d'être acceptés comme des ordures ménagères. Le traitement peut inclure l'autoclavage, la désinfection thermique ou l'assainissement par micro-ondes. Les hôpitaux devraient s'efforcer d'éliminer la quantité de déchets incinérés. Les résidus gazeux, solides, et aqueux de sortie d'incinération génèrent des substances hautement toxiques, persistantes et bio-accumulables dans l'environnement (dioxines, furanes, métaux lourds...). Les émissions toxiques dégagées par l'incinération sont proportionnelles aux taux de produits contenant des composants chlorés (tels que PVC ou vinyle, désinfectants, tissus javelisés, etc.), du mercure (que l’on peut retrouver dans les déchets, même s’il est interdit de l’incinérer) et des agents chimiques (déchets infectieux).

 

En tenant compte des dépenses d'investissement et du coût de fonctionnement au jour le jour, l'incinération est la method la plus coûteuse du traitement des déchets. Aucune technologie n’apporte de réponse universelle au problem de l'élimination des déchets médicaux. En général, cependant, la plupart des technologies non incinératives émettent moins de polluants et génèrent des résidus solides qui ne sont pas dangereux et peuvent parfois être recyclés. L’hôpital Opole en Pologne a obtenu une réduction de 52 % des émissions de SO2, CO2 et NOX en 2007, comparativement à 2006, après l'introduction d'un programme de réduction des déchets et d’extension de la protection de l'environnement, respectant la norme ISO 14001.

 

La plupart des sites d'enfouissement d’Europe de l'Ouest arrivent maintenant à saturation et l'incinération est propose comme « la solution » permettant en particulier de récupérer l'énergie fournie par ces déchets. À « Health Care Without Harm », nous pensons que c'est une fausse solution. Si nous continuons à jeter et à brûler nos ressources, nous n’en aurons bientôt plus pour vivre et traiter nos patients. Les institutions qui vont de l’avant, en association avec les industries et les gouvernements, doivent commencer à sérieusement s’atteler à la mise en oeuvre de solutions pour les déchets hospitaliers ; ces solutions existent et peuvent être implémentées.

 

Conclusion

Mieux gérer les déchets implique de relever le défi de s'attacher à l'approvisionnement de l'hôpital, à l’amélioration du tri des déchets non médicaux et à éviter l'incinération. De nombreux médecins et infirmier(e)s remettent en question les pratiques actuelles et travaillent à de plus saines alternatives. Health Care Without Harm est partie prenante de ce processus.

«« Ethicon Endo-Surgery Introduces a New MRI-Guided Breast Biopsy Device