HealthManagement, Volume 2 - Numéro 2 / 2009

Auteur

Dr Robert Lavayssière

Médecin Radiologue, Sarcelles, France

également

Vice-Président de la FNMR, Président de la Société

Française de Radiologie section Île-de-France

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Cet article résume plus de 25 ans d’installation libérale comprenant le passage de l’imagerie « traditionnelle » à l’imagerie « moderne » sous différentes « politiques de santé ». Il s’agit de l’aventure de tout un groupe d’individus engagés dans un développement médical continu.

 

Une Pratique Privée à Sarcelles

Sarcelles est une de ces « banlieues difficiles » où coexistent pauvreté et mixité raciale et/ou religieuse. Le taux de chômage est élevé ainsi que la surmortalité due à diverses raisons. De nombreux patients bénéficient de la Couverture maladie universelle (CMU) ou de l’Aide Médicale d’État (AME). Le Centre Paris-Nord résulte d’une association d’un centre de traitement du cancer, Thérapie Paris-Nord, et d’un centre d’imagerie, Imagerie Paris-Nord, qui a vu le jour dans les années 60. Un centre de médecine nucléaire a ouvert lors de la libéralisation des autorisations au nom d’un certain réalisme technico-économique.

 

En 1983, le centre a obtenu une autorisation de scanner de « moyenne gamme » (7 demandes successives sur 4 ans), premier scanner dans un département d’un million d’habitants. On trouve maintenant sur le site les équipements suivants:

• un département de radiologie entièrement numérisé;

• un département de radiologie vasculaire et interventionnelle installé au bloc opératoire de l’hôpital dès sa création ;

• un département d’échographie générale ;

• un département d’échographie obstétricale ;

• 2 scanners multi-détecteurs (16 GE Brightspeed et 64 GE Lightspeed HSA);

• 2 IRM 1,5 T (GE Signa HDxT) ;

• un Centre de sénologie avec 2 mammographes GE FFDM, échographie, macrobiopsie sur table dédiée (Fischer Breast-Care avec mammotome) ;

• un PACS GE Centricity et RIS EDL XPLORE;

• un CT-PET Siemens Duo et 3 caméras de medicine nucléaire (GE/Siemens) ;

• 2 cyclotrons ;

• 3 accélérateurs linéaires ;

• 12 lits de chimiothérapie.

 

Les différentes structures se sont distribuées au fil du temps et du POS le long de l’avenue Charles Péguy. Cette organisation coûteuse et peu fonctionnelle est malheureusement irréductible. L’ensemble constitue une entité à proximité d’un établissement de soins de 250 lits appartenant à un groupe familial, l’Hôpital Privé Nord Parisien, qui dispose d’une importante maternité, d’un centre de consultation multidisciplinaire comprenant notamment un department de cardiologie, d’un centre de dialyse et d’un centre de pédiatrie. Le service d’urgence (ex-UPATOU) accueille près de 20 000 urgences par an, nuit et jour.

 

Les autorisations d’équipements sont détenues par les structures d’imagerie, de médecine nucléaire ou de thérapie qui bénéficient d’une gestion autonome. On compte 8 radiologues à temps plein, 3 radiologues à temps partiel, 4 gynécologues-obstétriciens à temps plein exerçant une activité d’échographie, 5 spécialistes de médecine nucléaire à temps plein et 6 cancérologues à temps plein (radio et/ou chimio) et quelques consultants à temps partiel. L’ensemble du plateau emploie plus de 70 personnes.

 

Don Quichottisme et Contraintes Financières

Rétrospectivement, il est possible de distinguer deux périodes. Une période plutôt facile quand le centre était encore petit et que l’économie se portait bien - on a même connu des hausses de tarifs ! Cette période a été courte car dès la fin des années 80 la politique de santé a conduit à des revisions stratégiques importantes. Notre propre croissance a nécessité la mise en place d’une « Administration » dirigée, en concertation avec les médecins des 3 groupes, par un directeur administratif et financier aidé par différents administratifs, cadres ou non. Il faut rendre hommage aux associés fondateurs, aujourd’hui presque tous retraités, pour leur dynamisme teinté de « don quichottisme », encourageant les plus jeunes à poursuivre l’action.

 

Les contraintes se sont ensuite accumulées : gestion de l’activité, changement d’attitude des banques devant le risqué avec prise extensive de garanties et gestion du « mille feuilles administratif » : tarification (T2A, CCAM), authorisations d’équipements, contrats divers, gestion du personnel, accréditation, contrôle de qualité, sécurité, évaluations voire certifications. S’y ajoutent les différents conseillers extérieurs : avocats, commissaires aux comptes, expertscomptables, etc. Les maintenances de matériel et d’informatique sont externalisées mais pour éviter le recours aux entreprises pour les tâches courantes, un agent technique est présent à temps plein.

 

Le Pouvoir Reste Médical

Le pouvoir des praticiens a été délégué à un PDG dans chacun des groupes. Ils partagent la même administration. Chaque associé a la responsabilité d’un des départements et parfois une responsabilité supplémentaire (informatique, personnel, travaux, etc.). La personne radio-compétente est un médecin et non une société tierce ou un technicien.

 

Le groupe se réunit au moins une fois par mois, selon un ordre du jour diffusé par messagerie électronique, avec établissement d’un compte rendu qui sera approuvé. Les decisions se font à la majorité simple, sauf cas prévus par les contrats. Chaque groupe entretient des relations avec les different acteurs (SS, DASS, DRASS, élus, etc.), mais l’unité générale du centre reste clairement affichée. La cessation d’activité des associés du centre de Thérapie a posé le problème, qui deviendra fréquent, de la transmission des actifs : nous avons assisté à l’arrivée d’un groupement financier specialise dans la gestion des établissements privés de soins. Cette evolution reste localisée mais pourrait être prémonitoire.

 

Faire Avancer Le Bateau

La vision que l’on peut avoir sur son exercice est évidemment très personnelle et sujette à fluctuations. Le bilan est globalement positif, mais la gestion d’un groupe est difficile : une petite communauté, vivant en vase clos dans un monde relativement protégé, a besoin d’une gestion quotidienne des relations humaines, médecins et personnels, avec des séances de questions/réponses pour établir un ferment commun et une idée des orientations de l’outil. Il n’en reste pas moins que la résistance au changement est une force d’inertie assez universelle.

 

La démographie est aussi une préoccupation. La tension sur le marché du travail des techniciens a entraîné une hausse des salaires dont l’effet a été multiplié par les « 35 heures » et nous avons assisté à la surenchère et à des tentative de débauchage. Pour les secrétaires médicales, la difficulté vient surtout de la formation initiale insuffisante et de la pression exercée par la patientèle qui a des exigencies d’autant plus importantes qu’elle ne paie pas : un service en apparence gratuit se doit d’être parfait et immédiat, à toute heure du jour et de la nuit. Les périodes de stabilité sont précaires et tous les outils de la gestion des resources humaines doivent être utilisés : veille salariale, formation permanente, dialogue et évaluation. Il faut aussi parfois résister et rester ferme.

 

Sur le versant de la démographie médicale, on a vu se developer un corps de spécialistes cherchant le meilleur rapport temps/rendement et nous avons dû limiter, même en période de vacances, le recours aux remplaçants, au prix d’une augmentation du temps de travail des titulaires. Il est cependant utile et nécessaire de maintenir un flux qui nous permette de détecter, parmi les remplaçants, les éléments de valeur qui pourraient devenir des associés. Enfin, l’inévitable pyramide des âges suppose beaucoup de patience et de souplesse pour faire avancer le bateau en essayant de faire entrer des gens jeunes dont le dynamism et les compétences ne sont profitables que si on les laisse s’exprimer.

 

Satisfactions et Déceptions

Le maintien de la qualité médicale et la cohésion restent plus que jamais nécessaires devant le net accroissement de la charge de travail dans notre spécialisation de cancérologie : dossiers de plus en plus lourds (complexité, comparaison, suivi des dossiers), consultations d’annonce où le radiologue est en première ligne notamment en sénologie, participation aux multiples réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) sans aucune compensation, etc. Les propos officiels concernant les soi-disant « gains de productivité » sonnent comme autant d’insultes ! Enfin, les efforts faits dans le cadre de la labellisation sont coûteux et chronophages.

 

Dans les insatisfactions historiques (autorisation en 2002), l’absence de participation des radiologues à l’interprétation des examens de TEP-scanner est à souligner alors que la literature démontre l’importance de la corrélation aux images de scanner. Il est regrettable que la Commission de la Nomenclature ait refusé toute cotation radiologique pour des raisons purement idéologiques. Enfin, nous devons faire face à une dégradation de l’environnement médico-social, à des exigences religieuses incompatibles avec la notion de laïcité républicaine et aux plaintes diverses sans oublier le « burn out » qui est aussi une réalité médicale à laquelle les radiologues n’échappent malheureusement pas.

 

Heureusement, il reste des satisfactions. La qualité des relations humaines au sein du groupe et avec les praticiens des autres groupes ou de l’hôpital fait beaucoup pour la qualité de la vie quotidienne et rend l’exercice passionnant. Tout au long de ces années, nous avons pu délivrer à une population, qui ne s’en rend pas toujours compte, une qualité de soins élevée sans barrière d’aucune sorte.

 

Nous avons pu garder une liberté totale en termes d’investissements et de stratégies de développement. Nos jeunes collègues qui partagent transitoirement avec nous cet exercice nous confirment bien le potentiel d’attraction et d’évolution de notre structure. Si nos revenus sont dans la moyenne générale actuelle de la profession, ils ne sont pas ceux qui sont annoncés dans la presse et sont stables depuis des années, c’est à dire en baisse relative, sans mettre dans la balance ni l’augmentation du temps de travail ni la part dévolue aux activités non médicales (gestion, veille technologique, activités liées à la profession, etc.).

 

L’Avenir Est Fait d’Adaptations

Le manque de visibilité complique la gestion et les investissements alors que le coût d’achat et de fonctionnement du matériel ne cesse d’augmenter, notamment dans le domaine de l’informatique, ce qui est source de fragilité. Le dialogue « peu démocratique » avec les pouvoirs publics et les baisses des tarifs ne peuvent conduire qu’à un appauvrissement de la qualité en rapport avec l’insuffisante rémunération du service médical rendu.

 

Les marges de manoeuvre économique sont restreintes : les baisses des tarifs, leur gestion « dynamique » (forfaits de scanner et d’IRM, décote des actes associés) et la hausse des charges ne peuvent être compensées par l’augmentation de l’activité qui a atteint un plateau. L’externalisation de certaines tâches (rendez-vous, frappe) auprès de prestataires spécialisés rencontre beaucoup de limites - la qualité du service. La création des agences régionales de santé (ARS) par la loi Hôpital Patient Santé Territoire va aussi renforcer la nécessité d’une présence accrue dans les instances administratives et la prise de conscience est loin d’être faite.

 

Conclusion

La gestion d’un groupe, comme celle de n’importe quelle entreprise, est très exigeante. L’entreprise médicale est particulière du fait du monopsone de la Sécurité Sociale et de l’État qui décident de tout, règles et tarifs, sans contrepartie ni partage. Il reste à la profession, unie, de faire valoir son rôle de médecin - le rôle essentiel de l’imagerie étant souligné par ceux-là même qui feignent de nous ignorer - et d’entrepreneur, en prenant conscience de l’apport considerable des structures libérales et de leur concept d’efficience pour la collectivité dans son ensemble.

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