L’obligation légale pour tout médecin – et notamment les radiologues – de souscrire une assurance professionnelle est en principe satisfaite à l’hôpital par l’assurance de l’établissement – voire par l’établissement lui-même lorsqu’il bénéficie, à l’instar par exemple de l’AP-HP, d’une dérogation lui permettant de s’auto-assurer.

Quelques responsables juridiques hospitaliers et quelques médecins en déduisent imprudemment que les médecins hospitaliers publics n’auraient dès lors nul besoin d’une assurance professionnelle personnelle, sauf naturellement pour ceux des praticiens qui ont choisi d’exercer leur droit statutaire à avoir une clientèle privée à l’hôpital, ou ceux qui, travaillant à temps partiel, auraient par ailleurs une autre activité libérale. Ils soulignent que, d’une part, leur responsabilité civile est – en principe – assumée par l’hôpital ou son assureur en ce qui concerne les conséquences dommageables des fautes et erreurs commises par les médecins dans l’exercice de leurs fonctions, et que d’autre part l’établissement hospitalier doit assumer, c'est-à-dire financer, leur défense pénale au titre d’une « protection fonctionnelle » analogue à celle des fonctionnaires 1.

L’article 98 de la loi Kouchner n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la qualité du système de santé a effectivement inscrit dans la partie législative du Code de la santé publique (CSP) l’obligation légale d’assurance de responsabilité civile professionnelle (RCP) pour tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral 2 – y compris les remplaçants – et pour tous les établissements, services et organismes de santé, publics ou privés. La loi stipule aussi (cf. l’art. L. 1142-2 du CSP) que l’assurance des établissements, services et organismes, etc. couvre leurs salariés, y compris les médecins, nonobstant l’indépendance professionnelle dont ils bénéficient dans l’exercice médical.

Cependant, la couverture d’assurance des établissements n’est ni totale, ni inconditionnelle et c’est précisément lorsqu’elle fait défaut que l’assurance personnelle du radiologue 3 trouve tout son importance, a fortiori dans l’hypothèse où les intérêts du médecin s’opposeraient à ceux de l’établissement. Il est donc indéniable que le médecin hospitalier doit disposer personnellement d’une assurance, que celle-ci soit individuelle ou collective, et devrait en outre vérifier périodiquement en détail que le contrat souscrit ou proposé couvre pleinement toutes les activités qu’il exerce.

 

L’objectif de la réclamation

La mise en cause de la responsabilité du médecin hospitalier par un patient ou une famille insatisfaits peut viser deux objectifs distincts, mais cumulables : la recherche d’une punition du médecin hospitalier et celle d’une indemnisation d’un dommage causé par une faute hospitalière.

 

1. la recherche d’une punition du médecin hospitalier

C’est évidemment l’hypothèse la plus inconfortable : c’est la personne du praticien qui est directement visée par la procédure punitive, qu’elle soit pénale ou ordinale, et on ne peut pas s’assurer contre ces sanctions : en cas de condamnation pénale, ce n’est donc pas l’assureur qui paierait l’éventuelle amende, pas plus qu’il ne saurait aller en prison à la place du radiologue. En principe, tout établissement hospitalier doit prendre en charge la défense pénale de ses personnels médicaux, paramédicaux ou administratifs, lors de toute poursuite pénale occasionnée par des faits qui n’auraient pas le caractère de « faute personnelle détachable de la fonction exercée ». Dans un tel contexte, l’intérêt du contrat d’assurance individuelle du médecin réside principalement dans la garantie « protection juridique » ou « défense et recours » souvent associée à une police d’assurance de responsabilité civile professionnelle (RCP), et qui délivre au médecin les avis et les conseils juridiques nécessaires pour diriger sa défense et couvre, dans certaines limites toutefois, la prise en charge financière des honoraires d’avocats et/ou autres frais de la procédure.

2. la recherche d’une indemnisation d’un dommage causé par une faute hospitalière C’est une hypothèse en principe moins directement menaçante pour le praticien, puisque l’hôpital public ou privé doit légalement prendre en charge – directement ou via son assureur – l’indemnisation des dommages résultant des fautes individuelles de ses salariés ainsi que de ceux découlant des défauts d’organisation du service public hospitalier. Une couverture limitée aux fautes qui ne sont pas « détachables du service » La faute est juridiquement qualifiée de « détachable » - soit lorsqu’elle n’a aucun rapport avec l’activité professionnelle régulière (par exemple un vol, une rixe, etc.) ; - soit lorsque, commise dans le cadre des fonctions de l’intéressé, elle est cependant considérée comme étant d’une « inexcusable gravité », car contraire à toutes les règles professionnelles et à tous les impératifs éthiques et déontologiques. Ont été ainsi classés en fautes détachables et d’une extrême gravité pour des médecins hospitaliers : 

• le refus de se déranger lors d’une astreinte ; 

• l’abstention volontaire d’appeler un confrère plus compétent ; 

• le fait d’avoir délibérément tardé à reconnaître et à signaler une erreur commise, au risque de priver le patient de toute possibilité d’en limiter ou d’en corriger les conséquences 4.

En cas de faute « détachable », l’hôpital peut refuser son assistance ou même se retourner contre son agent. En cas de divergence d’intérêt ou d’interprétation différente des faits entre l’hôpital et le praticien, la couverture de ce dernier par une assistance juridique personnelle est un atout décisif pour tenter d’éviter qu’une catastrophe juridique vienne compliquer l’accident médical initial. Les effets de la loi Kouchner n°2002-303 du 4 mars 2002 La loi Kouchner n°2002- 303 du 4 mars 2002 et sa correcti on partielle par la loi About n°2002-1577 du 30 décembre 2002 a encore eu d’autres effets sur nos contrats d’assurances professionnelles 5,6 :

En premier lieu, la loi dispose que « (…) les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des personnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par 10 ans (…) » ce qui signifie que le patient dispose désormais d’un délai de 10 ans – à partir de sa consolidation juridique, c'est-à-dire de la stabilisation de son état – pour engager un litige contre un praticien libéral ou contre un médecin hospitalier ou un établissement de santé. Cette extension de la durée de prescription administrative a été immédia tement applicable en mars 2002, avec pour conséquence que des affaires alors prescrites – le délai précédent de 4 ans après l’accident étant échu – sont redevenues susceptibles d’être en gagées jusqu’à l’expiration du nouveau délai de 10 ans après la consolidation du dommage. La loi du 30 décembre 2002 a ainsi modifié le Code des assurances: dorénavant, l’assureur qui couvre le médecin au moment de la première réclamation est tenu de prendre en charge le sinistre, à la condition que le périmètre du contrat en cours couvre effectivement le type de risque survenu, même si, à l’époque, l’acte fautif était couvert par un autre assureur. Cette disposition légale novatrice améliore la couverture assurantielle car il n’est plus nécessaire de retrouver la trace de l’assureur qui garantissait les faits au moment de la réalisation de l’acte médical critiqué, à la condition que la souscription du nouveau contrat soit sincère et qu’il n’y ait réellement pas eu de réclamation antérieure. Toutes les dispositions contractuelles antérieures contraires et moins favorables à l’assuré sont annulées par la loi à dater du 31 décembre 2003. Lorsque le médecin décède ou arrête son activité – et cesse donc de s’assurer – le dernier contrat souscrit doit garantir les dommages potentiels qui seraient déclarés pendant 10 ans. Au-delà, le législateur a transféré cette charge à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Le dernier point à souligner est qu’il subsiste malgré tout dans la loi quelques obscurités susceptibles de masquer des défauts de couverture assurantiel le 7, notamment en cas de changemen t d’activité et/ou d’assureur. Il convient donc d’étudier soigneusement toute nouvelle police pour vérifier : 

• qu’elle garantit tous les sinistres antérieurs à sa souscription et auparavant assurés par le précédent contrat, même si une modification d’activité intervenue entretemps réduit les risques futurs ;

• la durée et la façon dont le contrat continuera à couvrir les risques après une résiliation pour cessation d’activité. Ajoutons pour conclure qu’il est indispensable de décrire en détail par écrit à son assureur – et de préférence d’adresser cet écrit en recommandé avec un accusé de réception – tous les types d’actes potentiel lement pratiqués , même épisodiquement, surtout lorsqu’ils ont un risque médical ou juridique particulier : imagerie expertale ou secteur privé, dépistage sénologique ou échographique obstétrical, radiologie interventionnelle, missions humanitaires, etc. Un assureur n’est en effet jamais tenu de prendre en charge les conséquences d’activités qu’il n’a pas expressément accepté de couvrir : toute sous-déclaration fait ainsi courir le risque, en cas de sinistre cout eux, que l’assureur préfère ne pas en assumer les conséquences, en déclinant sa garantie ; les primes payées le seraient alors en pure perte et ce serait le patrimoine personnel ou familial du médecin qui deviendrait menacé !

 


References:

1 Le Conseil d’État a en effet statué dans un arrêt du 8 juillet 2005 que si l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (modifiée plusieurs fois) « relative aux droits et obligations des fonctionnaires » n'est pas applicable aux praticiens hospitaliers (PH) – puisque, contrairement aux médecins hospitalo-universitaires titulaires, ce ne sont pas à proprement parler des fonctionnaires – les PH doivent toutefois bénéficier de la protection due par l'administration à l'ensemble des agents publics en vertu du principe général du droit reconnu notamment par l’arrêt du Conseil d’État du 26 avril 1963. Pour plus de détails, notons qu’une circulaire du 8 mai 2008 du Ministère chargé de la fonction publique détaille la portée et les conditions d’application de cette protection fonctionnelle des agents publics.

2 L’exercice en secteur privé d’un radiologue hospitalier rend donc bien obligatoire l’assurance personnelle du praticien. 

3 à noter que ce raisonnement s’applique identiquement aux manipulateurs d’électroradiologie hospitaliers qui ont également tout intérêt à souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle, d’ailleurs assez peu onéreuse, pour être garantis en toute hypothèse. 

4 Rappelons que l’obligation d’informer le patient – ou ses héritiers – de toute erreur ou faute découverte a posteriori est désormais une obligation légale, inscrite par la Loi Kouchner dans la partie législative du code de la santé publique à l’article L. 1111-2 : « (…) Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver (…). »

5 Responsabilité médicale : prescription et période de garantie, par Nicolas GOMBAULT, in la revue du Praticien Médecine Générale du 2 avril 2003, n°12 ; 

6 L'assurance de responsabilité à l'hôpital, par Nicolas GOMBAULT, Docteur en droit, 04/10/2005, Source : http://www.macsf.fr/salaries/docmacsf/docma csf_274 7 Responsabilité civile médicale : les ambiguïtés de la loi, par Georges LACOEUILLE in le concours Médical, 26 mars 2003,125, n°11 : 692-693 ;