HealthManagement, Volume 5 / Issue 1 2003 (French)

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Par Hervé Leteurtre –

Conseiller Qualité à la Fédération Hospitalière de France

 

L’ordonnance du 24 avril 1996 complétée par le décret du 7 avril 1997 forment le squelette de la procédure légale de l’accréditation des établissements de santé français.

 

Après de nombreux autres pays, la France s’est dotée d’un système d’évaluation des hôpitaux et cliniques qui, de libre aux termes de la loi du 31 juillet 1991, est devenu standardise (référentiel unique) dès 1996.

 

Le mélange subtil de volontariat et d’engagement obligatoire que contiennent les textes officiels n’est pas gênant. En effet, le développement de la qualité dans les hôpitaux, leur évaluation et jusqu’à la mise en place d’un benchmarking permettant la comparaison de leur performance sont nécessaires. Or, jusqu’à présent, la performance des hôpitaux français n’était abordée qu’à partir de leur activité évaluée quantitativement grace à l’outil que constitue le PMSI (programme de médicalisation du système d’information). L’introduction de l’accréditation en France va permettre de croiser une approche quantitative et une approche qualitative, et permet au système hospitalier français d’être appréhendé dans l’ensemble de ses composantes. L’évaluation de sa performance globale devient possible.

 

Outil complémentaire au PMSI, l’accréditation est issue d’une approche conceptuelle solide qui lui donne du crédit. Le manuel d’accréditation utilisé par les experts visiteurs pourréaliser leur évaluation des établissements de santé est particulièrement solide. Fait par des professionnels au service de professionnels et testé expérimentalement dans 40 établissements, il se révèle être un outil particulièrement achevé recouvrant de manière verticale (fonctions de l’hôpital) et transversal (chaîne des activités) en dix référentiels, la réalité du fonctionnement de l’hôpital.

 

De plus, l’accréditation a été acceptée par les différents acteurs du système de santé. Elle est apparue comme un outil d’évaluation consensuel. Peut-être a-t-il été nécessaire de simplifier par arrêté l’engagement des établissements (31 janvier 2001). Sans doute en dépit de cette simplification, tous les établissements n’avaient-ils pas fait acte de candidature en avril 2001 (date butoir) mais en septembre 2001, la quasi-totalité des établissements concernés avaient respecté l’obligation qui leur était opposable.

 

Une Montée en Charge Lente De La Démarche d’Accréditation

Toutefois, après cinq ans de mise en oeuvre, la réforme de l’accréditation n’est pas exempte de critiques. Celles-ci concernent principalement son effectivité et son contenu. Le dernier rapportde la Cour des comptes est accablant et stigmatise notamment une montée en charge «très lente» de la production de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES)...

 

A l’été 2002, en effet, moins de 200 établissements avaient fait l’objet d’un compte rendu de visite, et les procèsverbaux du conseil d’administration de l’ANAES se faisait l’écho d’une réelle inquiétude concernant le respect du plan de charge annoncé par l’institution. De ce fait, compte tenu de la faiblesse du nombre d’établissements ayant fait l’objet d’un compte rendu, il est impossible de tirer des conclusions véritablement édifiantes et extrapolables à l’ensemble de la population des établissements de santé. Il apparaît, de manière générale, que le poids relative des hôpitaux publics est supérieur à celui des établissements privés. Au sein des hôpitaux publics, les Centres hospitaliers universitaires (CHU) se sont engagés plus rapidement que les autres types d’établissements dans la demarche d’accréditation.

 

Concernant les points d’amélioration, il est possible de noter que:

- Le nombre d’améliorations demandées aux hôpitaux publics est supérieurà celles exigées des hôpitaux privés,

- Le référentiel le plus visé par les demandes d’améliorations est celui de l’organisation de la prise en charge des patients (OPC), suivi de peu par le référentiel concernant la surveillance, la prévention et le contrôle du risqué infectieux (SPI).

 

Concernant les décisions, il est possible de constater que:

- 16% des établissements ont obtenu une accréditation pour cinq ans ne donnant lieu ni à recommandation ni à réserve, une grande majorité d’entre eux étant des établissements privés,

- Près de 50% des établissements ont obtenu une accréditation pour cinq ans et ont fait l’objet d’un compte rendu d’accréditation avec recommandations,

- Un peu plus de 37% des établissements ont fait l’objet d’un compte rendu d’accréditation avec recommandations, réserve(s) et /ou réserve(s) majeure(s),

- Le nombre total des reserves majeures est de 10, soit 1% des décisions.

Les dix réserves majeures se répartissent en neuf réserves majeures pour les hôpitaux publics et une reserve majeure pour les établissements privés.

 

Concernant la structure des comptes rendus, il est intéressant de noter qu’il existe un parallélisme quasi parfait des comptes rendus des hôpitaux publics et des établissements privés en matière de demande d’améliorations. Peut-être sera-t-il intéressant de se demander par la suite, si cette tendance était confirmée, pourquoi existe un tel parallélisme. Deux hypothèses semblent possibles à l’heure actuelle: les hôpitaux se ressemblent en matière d’organisation, ou les comptes rendus d’accréditation sont réalisés à partir d’un prejudge collectif que partagent les experts visiteurs.

 

La Réactivité Réelle de l’ANAES

Pour remédier aux dysfonctionnements qui émaillent l’ensemble de la procedure générale d’évaluation, l’ANAES améliore en permanence son système d’accréditation. Aussi s’oriente-t-ellevers le développement de l’assistance aux établissements par les chefs de projet, ce qui permettra un meilleur accompagnement des hôpitaux. Le renforcement de la responsabilité des experts visiteurs dans la conclusion de la procédure d’accréditation permettra par ailleurs de réaliser des gains de temps, probablement encore insuffisants pour que tous les établissements soient accrédités en 2006. Enfin un projet de modification des comptes rendus d’accréditation est aussi prévu qui, rendant ceux-ci plus synthétiques, garantira probablement des redactions plus homogènes et des conclusions plus équitables.

 

Une Mission Encore Incomplètement Remplie

Si l’ANAES montre qu’elle sait se réformer, des doutes subsistent encore sur la prise en compte totale de sa mission définie par l’ordonnance de 1996 qui prévoyait notamment que cette institution devait «apprécier la qualité d’un établissement à l’aide d’indicateurs (...) portant sur les bonnes pratiques cliniques et les résultats des different services et activités de l’établissement ». Or, interrogée par le precedent ministre de la Santé sur l’accomplissement de ces missions, l’ANAES avait proposé:

- De négliger l’approche par service,

- De demander aux sociétés savantes et aux instances professionnelles d’élaborer des systèmes d’évaluation des pratiques professionnelles sous contrôle méthodologique de l’ANAES; celle-ci s’assurant au cours des visites d’accréditation que de telles structures d’évaluation sont en place dans les hôpitaux,

- D’inciter les diverses professions à formaliser la recertification des professionnels, de valoriser les prises en charge spécifiques des patients par l’intermédiaire des réseaux, après validation des sociétés savantes.

 

De plus, elle a renoncé récemment, à court terme de proposer une batterie d’indicateurs de performance communs aux établissements empêchant ainsi tout benchmarking entre hôpitaux.

 

Réforme essentielle, l’accréditation semble ne pouvoir donner à brève échéance toute la puissance de ses possible effets. Le progrès qu’elle représente toutefois pour le développement de l’amélioration continue de la qualité dans les hôpitaux français appelle les acteurs hospitaliers à contribuer à sa mise en place, avec vigilance mais confiance.

 

«« Coordination of primary health care and hospital health care reduces readmission in patients with COPD