HealthManagement, Volume 1 - Numéro 1 / 2008

Auteur

Pr Frank

Boudghene

Professeur de Radiologie

Hopital Tenon

Paris, France

 

Depuis ces dernières années, on assiste à une véritable transformation de notre modèle français de système de santé, et cette evolution va se poursuivre en impactant l’organisation même de la santé en France : il est en effet temps de l’adapter aux nouvelles exigences qui sont celles de la complexité de la médecine moderne dans le monde actuel.

 

L’Accès Aux Soins Change

Depuis son origine en 1945, la Sécurité sociale a comme objectif de prendre en charge la santé de l’ensemble des residents légaux sur le territoire français ; malgré tout, aujourd’hui, encore une faible partie de la population qui vit en France n’a pas accès au système de soins.

 

A l’origine c’est un modèle de type Bis - marckien car initialement conçu à partir de l’activité professionnelle. Et bien que certaines catégories professionnelles (agriculteurs, indépendants) aient leurs propres caisses, ce système couvre 80% de la population française. La Sécurité sociale est fi - nancée par des fonds qui proviennent pour partie des employeurs et pour partie des employés. Mais comme la part qui provident des taxes individuelles (CSG, RDS) augmente progressivement, ce système est en train d’évo luer vers un modèle de type Beve - rid gien. Il permet ainsi que ce système ne soit pas finan cé par le seul appareil productif au risque de ne pas être durable.

 

La plupart des caisses d’assurance maladie sont privées et gérées conjointement par les représentants des employeurs et des em - ployés, sous la supervision de l’Etat qui a un rôle de régulation. Ce type de gouvernance est sujet à de nombreux désaccords d’autant que le budget annuel de l’assurance maladie (qui atteint presque le niveau de celui de l’Etat) est voté annuellement par le Parle - ment (ONDAM), les taux de remboursement et les prélèvements sont décidés par le Ministère, et les tarifs négociés entre les as - surances et les professionnels de santé.

 

Les 3/4 du montant total des dépenses de santé sont couverts par la Sécurité sociale, alors que le montant restant est réglé par les patients eux-mêmes ou leurs assurances privées complémentaires (87% assurés).

 

Comme une grande partie des biens et services sont couverts par la Sécurité sociale, l’objectif de limitation de la consummation et des dépen ses médicales a contribué à provoquer une augmentation progressive de la participation des patients, qui deviant désormais relativement élevée pour certaines dépenses de médecine de ville. Par exemple, 30% du coût de la consultation d’un méde - cin est à la charge des patients (ou de leur assurance complémentaire), et environ 20% des géné ra listes et 40% des spécialistes pratiquent un dépassement d’honoraires.

 

En janvier 2000, un nouveau programme public d’assurance maladie (CMU) a été mis en place pour permettre aux citoyens les plus démunis (10% de la population) d’avoir un accès facilité aux soins, dans la mesure où très peu d’entre eux étaient couverts par une assurance maladie complémentaire.

 

En théorie l’accès aux soins est gratuit pour ces bénéficiaires de la CMU dans la mesure où cette assurance couvre l’ensemble de leurs frais de santé, et où les professionnels n’ont pas le droit de pratiquer de dépassement. Cette dernière disposition n’est pas sans poser de problèmes de regulation (critères d’attribution de la CMU, contraintes financières des médecins libéraux…..)

 

Cependant, le débat se poursuit afin d’aller vers un système de prise en charge à la fois plus efficient et plus équitable, en cherchant à définir un ensemble de biens et services accessibles pour tous et financés à 100% par la puissance publique, sans perdre de vue que ce système est financé par les employés, leurs employeurs, et par des taxes. Les biens et services de santé restants seraient alors accessibles à ceux qui accepteraient de payer pour eux-mêmes, qu’ils soient ou non pris en charge par leur assurance privée.

 

Jusqu’en 2006, l’accès aux soins n’était pas limité en France et les patients pouvaient consulter autant de praticiens qu’ils le souhaitaient. Ceci peut avoir en partie contribute au premier rang d’excellence qu’occupait la France dans le classement de l’OMS, qui ne tient pas compte de l’efficience (coût/efficacité) des systèmes de santé. Depuis un parcours de soins a été institute en France, et chaque patient doit doré navant désigner un médecin référent. Le rembour - sement des frais de consultation d’un méde - cin spécialiste n’est complet qu’à la condition que les patients soient adressés par leur médecin référent; et il semble qu’on s’oriente vers un taux de prise en charge hors parcours de soins encore plus réduit (50%).

 

Le Rôle De l’Etat Evolue

Depuis 1991, c’est au niveau régional que se discute le programme de santé, et désormais sa mise en oeuvre est actée dans les SROS pour 5 ans. En 2006, le 3ème plan de ce type (SROS 3) a été établi jusqu’en 2011, et il comporte une partie opposable qui fixe des objectifs précis sur un territoire donné durant une période donnée. Un des changements par rapport aux plans precedents concerne le nombre d’implantations d’équi - pements lourds qui n’est plus relatif à une population donnée mais plutôt à un territoire; par exemple en Ile-de-France d’ici 2011, le nombre de Scanners va être porté de 171 à 201 et le nombre d’IRM de 114 à 146.

 

L’Offre De Soins Se Transforme
Les Hôpitaux

En France, les hôpitaux sont au coeur du système de santé, et les soins sont plutôt orien - tés en priorité vers des activités médicales curatives spécialisées et techniques, alors que pour les activités préventives ou médicosociales l’effort est moins sensible. Il y a essentiellement deux types d’hôpitaux : les éta-blissements publics et les établissements privés à but lucratif; bien qu’il y ait quelques structures privées à but non lucratif comme dans de nombreux pays développés, la France présente le plus fort taux d’établissements privés à but lucratif (2 fois plus qu’aux Etats-Unis; 37% des établissements).

 

Les 2/3 des lits d’hospitalisation sont situés dans les établissements publics, et un bon nombre de ces établissements ont comme mission d’assurer la permanence des soins, l’enseignement et la formation des plus jeunes. Les Centres Hospitalo-Universitaires sont plus spécialement contraints par ces obligations et ont aussi la charge des soins les plus complexes et plus coûteux (transplantation, polytraumatisés, grands brûlés…) tout en ayant aussi la mission de developer la recherche. Les cliniques privées à but lucratif sont depuis longtemps financées à l’activité et de ce fait plus impliquées dans des activités techniques et chirurgicales, ainsi que des soins de courte durée, plus simples à manager sur le plan financier.

 

Une tendance générale à la diminution du nombre de lits d’hospitalisation a été observée ces dernières années (8,4/1000 habitants) et depuis 2005 une convergence tarifaire a été instaurée entre les établissements publics et privés sur la base d’une tarification à l’activité (T2A). Elle avait pour but de remplacer progressivement les deux modes de financement existants (public en dotation globale et privé à l’activité), et suite à la convergence totale qui s’est opérée en janvier 2008, cette tarification est désormais commune aux deux systèmes. De ce fait, on ob serve qu’un certain nombre d’établissements publics et plus particulièrement les CHU sont en déficit cette année, et un premier établissement hospitalier vient d’être placé sous administration provisoire.

 

Les Professionnels De Santé

Les médecins jouent un rôle clé dans le système de santé, et environ 200 000 d’entre eux pratiquent en France. Mais du fait de la limitation du nombre d’étudiants en médecine par le numérus clausus, le depart à la retraite des praticiens les plus âgés va provoquer une diminution du nombre glo - bal de médecins en activité dans les pro - chaines années.

 

Cette évolution à la baisse de la démographie médicale va se traduire par un premier solde négatif entre les entrants et les sortants dès 2008 (-2%). Environ la moitié des médecins qualifiés sont généralistes et l’autre moitié sont spécialistes, dont environ 7 000 radiologues. Les médecins travaillent dans le système public (2/3 dans les hôpitaux, et 1/3 dand d’autres structures), ou en pratique privée.

 

Depuis 1971, une nouvelle convention est signée tous les 5 ans par les représentants des médecins sur la base d’une régulation de l’activité et des rémunérations. En 1980 et 1990 des modifications ont été introduites dans le mode de rémunération (secteur 2 à honoraires libres), et 1993 fut l’année où les premières références médicales opposables (RMO) ont fait leur apparition. En 1998 les négociations entre les syndicats médicaux et les tutelles échouèrent et la convention ne fut signée que par les syndicats de généralistes et pas par ceux de spécialistes.

 

Les pra ticiens libéraux sont assez fermement oppo sés à toute limitation des dé - penses de santé de ville, dans la mesure où ces contraintes risquent d’affecter leurs pratiques et leurs prescriptions, bien qu’une bonne partie de leurs ressources provienne de « fonds publics ». De nombreux problems persistent et tou chent à des domaines variés :

 

il existe une certaine inégalité d’accès aux soins entre les régions, à la fois en termes de compétences et de coût : il y a deux fois plus de spécialistes dans le Sud de la France et en région parisienne que dans le Nord de la France par exemple, et à Paris intra-muros 70% des spécialistes sont en secteur conventionné avec complément d’honoraires.

il existe un défaut important de coordination et de coopération entre les different acteurs du système de santé, en raison de la compétition entre les secteurs publics et privés, entre les structures ambulatoires et les hôpitaux, et aussi entre certains professionnels de santé! Et cette compétition sort renforcée par la mise en place de la T2A.

il existe également selon les spécialités et les régions des déséquilibres dans les modes d’exercice touchant à la fois aux rémunérations et aux contraintes liées à la permanence des soins, qui provoquent une désaffection grandissante des plus jeunes pour l’hôpital.

 

Récemment, diverses mesures incitatives ont été proposées pour faciliter la mise en place de réseaux de soins (DNDR, FAQSV), afin de bâtir ces liens manquants entre les different acteurs et structures; mais l’équilibre économique de tels systèmes doit être trouvé si l’on veut faciliter leur développement.

 

De la même façon, la crainte de l’apparition de « déserts médicaux » incite les tutelles à réglementer la liberté d’installation des mé de - cins pour pallier certains déficits, et le risqué existe qu’à terme le lieu d’installation des médecins soit sujet à de fortes incitations.

 

Enfin, l’accès aux équipements lourds est assez inégal et le délai peut varier du simple au double selon les régions : il atteint actuel - lement en 2008 plus d’un mois en moyenne pour un rendez-vous d’IRM.

 

Un dossier médical électronique (DMP) est en cours d’élaboration depuis 2007, et l’intégration en réseau de l’information médicale, que va permettre cet outil technolo - gique, sera d’une grande aide pour faciliter la nécessaire modernisation du système de santé français. Il permettra notamment de joindre des images médicales aux autres données des patients.

 

Financement Des Soins Et De La Santé

Comme depuis plus de 30 ans les déficits du système de santé s’accumulent d’année en année, de nombreuses mesures ont été progressivement introduites pour limiter les dépenses de santé en régulant l’offre de soins disponible : limitation du nombre de méde - cins et du nombre de lits d’hôpitaux, négociation des tarifs des actes ambulatoires et contrôle des prix des médicaments, etc.

 

Depuis 1990, un plafond annuel des dépen - ses de santé a été initié dans certains secteurs, les prix variant en fonction de l’atteinte ou non des objectifs de dépense fixés. Depuis 1996, le Parlement détermine le budget annuel des dépenses de santé sur le territoire national (ONDAM), et répartit le montant retenu entre les différents secteurs (public, privé, ambulatoire…).

 

Les dépenses hospitalières sont réparties en fonction des régions afin d’obtenir un maillage suffisant permettant d’assurer une prise en charge adaptée des populations concer - nées sur leur territoire.

 

Une fois que les dépenses annuelles sont fixées, les assurances complémentaires (sec teur privé) ou le gouvernement (secteur public) sont tenus de les faire respecter, mais l’absence de régulation suffisante des dépen ses de santé contribue à générer des tensions entre les fournisseurs de soins et les tutelles.

 

Enfin, des franchises ont été progressivement introduites ces dernières années et contribuent à augmenter le reste à charge des assurés sociaux. Ces franchises les incitent à recourir à des assurances complémentaires.

 

Les Challenges à Venir

Progressivement, on assiste à un glissement du modèle Bismarckien vers le modèle Beveridgien, où le financement résulte moins d’un arbitrage entre contributions et impôts, et plus en une combinaison de différentes taxes (impôt sur le revenu, impôt professionnel, TVA, CSG, RDS…) ainsi que d’une participation plus importante des patients.

 

L’arbitrage dans la répartition de ces différentes taxes et participations va devenir dans un futur proche un enjeu important du débat politique, aussi bien en France qu’en Europe et probablement également dans de nombreux pays confrontés à cette même évolution de la médecine modern et de la santé.

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