HealthManagement, Volume 1 - Numéro 1 / 2008

Auteurs

E. Schouman-Claeys1,

G. Pegon1, N. Nunes1,

G. Choupot2, J. Betout2

1Service de radiologie

imagerie médicale, Hôpital Bichat, Assistance Publique-

Hôpitaux de Paris

[email protected]

 

2Direction des Systèmes d’Information,

Assistance Publique-Hôpitaux de Paris

 

Manager c’est, entre autres, mesurer, des services rendus. S’évaluer, s’améliorer, c’est entre autres tenir compte des notations des autres. Vues de l’interieur, elles ont le mérite d’aiguillonner, et, vue de l’extérieur, elles permettent d’avoir un regard analytique sur un problème donné.

 

Parmi la multitude d’indicateurs qui servent au pilotage d’un service de radiologie, les mesures de délais d’accès sont très logiquement considérées par nos clients (patients, confrères) comme des résultats édifiants.

 

Les décideurs font des délais d’accès un critère utile pour apprécier le bien-fondé d’une dotation en équipement. Ce paramètre est maintenant retenu par nos ARH (Agences Régionales d’Hospitalisation) et on peut penser que ces dernières seront tentées de comparer la situation d’une structure à l’autre, ou d’une région à l’autre. Certes le délai n’est qu’un des elements d’appréciation des besoins. Il doit être corrélé au taux d’utilisation de l’équipement, à l’efficience de l’équipe, à la qualité d’utilisation, et aux besoins réels, eux-mêmes liés aux types de pathologies suivies et au poids des urgences. Reste qu’il nous faut donc fournir des chiffres, et savoir que ces données seront exposées à des administratifs qui, ne disposant pas des codes de lecture, risquent fort de ne pas en avoir une analyse critique.

 

Quant aux industriels de l’imagerie, à la recherche de marchés, ils ne s’y sont pas trompés; l’association privée ISA (Imagerie Santé Avenir) publie le baromètre des délais moyens d’attente pour obtenir un examen IRM en France pour un patient ambulatoire, en dehors de l’urgence (35,4 jours en moyenne en 2008, selon les résultats d’une enquête téléphonique).

 

Quoi de plus simple a priori que de mesurer un délai ? Un point de départ, d’arrivée et un chronomètre suffisent.

 

Bien sûr la population doit être homogène. Les analyses doivent dissocier les différentes catégories de patients : hospitalisés, consultants, hospitalisations de jour et patients provenant du Service des urgences, car les objectifs ne sont pas les mêmes.

 

Prenons l’exemple des patients hospitalisés, puisque c’est sur cette catégorie que les objectifs de fluidité sont majeurs; en effet l’attente de l’imagerie impacte indirectement la durée moyenne de séjour (DMS) et a donc un coût.

 

La conduite d’enquêtes est trop lourde pour que l’on puisse y recourir de façon récurrente; de plus, à défaut d’un pilotage minutieux, la méthode peut souffrir de grandes variations. Certains ont proposé une approche plus simple: rechercher, tel jour, la place libre au plus tôt; mais la tendance croissante à thématiser fortement les vacations dans les services d’imagerie fait que les délais peuvent varier considérablement selon la pathologie et le jour hebdomadaire de l’enquête.

 

D’où le recours aux données du système d’information radiologique (RIS). Elles sont censées reproduire la réalité des choses, à partir des examens effectivement réalisés, et non pas à partir d’une déclaration d’intention. Reste que là encore, il faut comprendre ce qu’il y a derrière les chiffres.

 

1 – Quel Est le Périmètre Temporel De La Mesure ?

Se contente-t-on du délai séparant la saisie dans le RIS de la réalisation de l’examen, ou s’intéresse-t-on également au délai d’attribution du rendez-vous ? Ce dernier est souvent négligeable dans un système purement libéral, qui, cultivant la satisfaction du client, doit lui proposer une réponse immédiate, au téléphone. En revanche cette composante est loin d’être négligeable quand une étape de validation de la pertinence de la demande précède son acceptation, ou encore dans les structures qui ne se sont pas organisées pour fonctionner en temps réel, et/ou qui sont fortement exposées aux aléas du manque de personnel. Mais pour mesurer ce délai, encore faut-il que cette composante puisse être identifiée dans le RIS, et que l’utilisation qui en est faite en permette la mesure.

 

A noter de plus que la seule chose qu’un service prestataire soit à même de mesurer est son délai propre. Hors système de pres- cription connectée, le délai d’acheminement de la demande n’est pas mesurable, bien qu’il puisse être important, y compris dans l’enceinte d’un système hospitalier.

 

2 – Quelle Est la Sous-Population Concernée ?

Trois situations peuvent être distinguées : (1) les examens en urgence, (2) les rendez-vous donnés au plus tôt – qui nous intéressent particulièrement -, (3) les rendez-vous volontairement éloignés, dans le cadre de contrôles programmés à l’avance (suivi de pathologies chroniques, appréciation de l’efficacité du traitement). Mais comment distinguer ces sous-populations ?

 

Pour éliminer les rendez-vous en urgence, il convient soit de les identifier spécifiquement en prospectif (avec les aléas d’une action manuelle), soit encore d’éliminer les délais nuls ou quasi nuls.

 

Mais les examens saisis en dernière minute ne couvrent pas, loin s’en faut, les seules urgences majeures, de fait rarissimes. Ainsi les semi-urgences, les urgences de convenance font-elles le plus souvent l’objet d’un simple accord téléphonique avec une saisie dans le RIS uniquement à l’arrivée du patient. Les modifications d’un paramètre de l’examen (comme le changement du type d’examen, ou de l’équipement utilisé, un patient passant sur un scanner et non sur un autre), peuvent, selon l’ergonomie du RIS et le degré de formation des utilisateurs, également faire l’objet d’inscriptions de dernière minute (une nouvelle inscription écrasant la précédente), tout comme l’utilisation de plages réservées pour tel partenaire.

 

Toutes ces pratiques vont donc impacter à la baisse les délais de rendez-vous, avec des effets en volume variables avec la typologie des établissements et les pratiques internes.

 

Quant aux contrôles de principe, ils sont de facto affectés de délais de rendez-vous importants, sans pour autant traduire un dysfonctionnement. Ils impactent les mesures à la hausse. Exclure ces cas peut être possible par le renseignement prospectif d’un champ ad hoc, mais avec le risque d’une saisie non systématique. Reste alors à considérer les délais dépassant tel seuil comme relevant nécessairement de la pré-programmation.

 

3 – Quel Mode d’Expression Des Résultats ?

Une moyenne ? Mais les délais volontairement élevés dans le cas de contrôle, ou encore une erreur de saisie de date auront des effets démultipliés; si, le doigt fourchant, la demande est saisie comme réceptionnée non pas la veille, mais un an et un jour au paravant, le seul examen en question impactera autant les délais que 365 examens attribués le lendemain de leur réception.

Une médiane ? Mais les délais de réception – non horodatées à l’heure près – seraient usuellement de 0 jour, ce qui ne renseignera pas sur les potentiels dysfonctionnements.

Un histogramme ? Tant d’examens à 0, 1, 2, 3, etc. jours, ou encore une boîte à moustache (box plot), mais la lecture en est un peu complexe.

Un taux sous tel délai, qui suppose de s’être mis d’accord sur un objectif de délai ?

La règle, plus simple, des 80-20 : 80% des rendez-vous en x jours ?

 

La notion de délai est donc particulièrement complexe et l’objectif d’une mesure universelle bien illusoire. A chaque structure de définir pour son pilotage interne son mode d’expression pour qu’il reflète le vécu, et qu’il permette à plusieurs services qui ne disposeraient pas du même RIS, ou qui n’auraient pas mis en place les mêmes organisations, de se comparer, et cela sous réserve que les extractions puissent être suffisamment automatisées pour assurer un suivi régulier.

 

Avec l’objectif de mesurer au mieux la fluidité intra-hospitalière nous avons pour l’heure choisi de suivre deux affichages complémentaires :

Pour ce qui est du délai d’attribution : le pourcentage de rendez-vous attribués dans les 24h

Pour ce qui est du délai de rendez-vous, d’une part le pourcentages de prise en charge dans les 24 h (avec l’idée d’exclure des mesures de délai ces examens pris dans la journée et ne posant grosso modo pas de problème), et de l’autre les caractéristiques des prises en charge effectuées entre 1 jour et 14 jours (cette frontière à 14 jours, de l’ordre de deux fois la DMS, permettant globalement d’exclure les contrôles); les résultats sont exprimés sous forme de moyenne et de délai limite pour 80% des demandes.

 

Ces mesures se trouvent assez justement corrélées aux resultants des enquêtes de satisfaction menées auprès de nos demandeurs d’examen, ainsi qu’au délai maximum attendu en moyenne par nos cliniciens, hors urgence. A juste titre, si ces derniers jugent bonne notre réponse à l’urgence, ils ne se satisfont globalement pas de nos délais pour les patients hospitalisés. Ce sentiment est à mettre en relation avec le nombre d’équipements : seulement deux scanners et une IRM pour un centre hospitalier universitaire de 830 lits d’aigus.

 

Conclusion

Pour conclure, un message à retenir : se méfier de l’indicateur “délai de rendez-vous”. Les biais de mesure et d’expression sont considérables. Il convient donc de lire les valeurs affichées avec les plus extrêmes précautions, et de se garder de les utilise pour des comparaisons inter-sites. Quant à analyser les évolutions dans le temps, il peut être judicieux de le faire, mais en tenant compte des biais potentiels résultant des modifications d’organisation.

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