HealthManagement, Volume 5 - Numéro 2, 2012

Auteur

Dorothée fraleux

Chargée de communication et des relations internationales

C2DS, Comité pour le développement durable en santé

Paris, France

www.c2ds.eu

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L’impact de la construction sur l’environnement est majeur. À lui seul, le secteur du bâtiment représente près de la moitié (47 %) de la consommation d’énergie en France ainsi que 23 % de l’ensemble des émissions de CO2. Le secteur hospitalier ne fait pas exception à la règle. En France, on compte 100 millions de m2 de locaux hospitaliers.

 

La conception et la construction d’un nouveau bâtiment sont les moments où les établissements disposent du plus grand nombre de leviers pour devenir durables : gestion verte du chantier, politique énergétique, réduction des émissions de gaz à effet de serre, éclairage jour et nuit, optimisation des flux de patients, réflexion sur le bruit, utilisation de nouveaux matériaux... autant de leviers d’action nécessaires à une politique durable. « Quand le bâtiment va, tout va. » Ce principe d’économie est une première motivation pour se pencher sur l’écoconstruction, même s’il n’est pas suffisant pour en garantir un développement vraiment durable.

 

En France, sur les 40 mesures du Grenelle II* impactant le secteur hospitalier, plusieurs concernent le bâtiment. Rappelons que les émissions de CO2 liées au secteur du bâtiment ont augmenté de 24 % dans le monde ces vingt dernières années, avec des conséquences dramatiques sur le réchauffement climatique. La marge d’amélioration des bâtiments est extrêmement prometteuse : certains cabinets d’architecture internationaux ne s’y sont pas trompés et rivalisent de créativité, d’astuce et d’efficacité pour proposer des solutions durables. Le bâtiment hospitalier de demain sera responsable !

 

En Amont De l’Ecoconstruction, La Prise De Décision

Mieux isolés, plus fonctionnels, plus agréables à vivre et plus sains, les bâtiments durables sont rentables. L’investissement initial, en revanche, est souvent plus élevé. Entre un investissement à court terme et un bénéfice à moyen voire long terme, il faut parfois déployer des trésors de persuasion pour lever les dernières réticences financières et faire prendre en compte la notion de coût global. C’est pourquoi, avant d’écoconstruire, la phase de la prise de décision est un moment décisif.

 

Dépenser plus pour dépenser moins, c’est tout le paradoxe et la dynamique de l’écoconstruction hospitalière. Dans un contexte de restrictions budgétaires, écoconstruire ou écorénover peut passer pour superflu, voire impossible. Si on prend en compte la notion de coût global apparue à la fin des années 1990, c’est pourtant le seul choix rationnel pour des économies à moyen ou long terme. Elle repose sur la prise de conscience de l’importance des coûts différés dans une construction. Plusieurs études américaines et européennes rendent compte de l’ensemble des coûts générés par un bâtiment sur tout son cycle de vie. Sur une période de 30 ans, l’investissement initial représente seulement 25 % de la totalité des dépenses générées par le bâtiment. 75 % des dépenses sont liées à son fonctionnement : entretien, maintenance, réparations, consommation d’eau et d’énergie, assurances, prêts, modifications, etc.

 

La notion de coût global permet de mettre ainsi en balance des choix d’investissement en regard des économies qu’ils peuvent générer ensuite. Les bâtiments haute qualité environnementale, dits bâtiments HQE, passifs ou à basse consommation, peuvent être plus chers à construire, ils sont en principe beaucoup plus sobres et économiques en coût global. Le changement de culture est de taille : passer de la logique du constructeur – de prix au m2 – à celle du gestionnaire et de l’utilisateur – le coût global. À la Clinique Pasteur à Toulouse, Olivier Collet reconnaît que les investissements initiaux sont supérieurs de 20 à 30 % « mais sur dix ans, ils peuvent nous faire réaliser 80 % d’économies ». Pour faire pencher la balance du côté de l’écoconstruction, la délibération de l’ensemble des parties prenantes dans le temps est donc un moment essentiel.

 

Nous pensons que l'intention de la ministre de la Santé Marisol Touraine en août 2012 de faire appel à hauteur de six milliards d’euros aux ressources du Grand emprunt français pour le financement de projets d'investissement immobiliers est une occasion inespérée pour créer un Fonds pour la rénovation énergétique des établissements sanitaires et médico-sociaux français, le FREH (Fonds de Rénovation Énergétique Hospitalière).

 

Dans le cadre du Grenelle II, la RT 2012 – Règlementation ermique – impose une consommation énergétique de 50 kwh/m2 pour l’obtention du permis d'une nouvelle construction.

 

Actuellement, les bâtiments hospitaliers consomment en moyenne 450 kwh/m2. Les directions techniques hospitalières et leurs parties prenantes sont bel et bien confrontées à une nouvelle manière de concevoir et de construire pour laquelle sensibilisation et formation seront urgentes et nécessaires.

 

Par ailleurs, la RT 2012 impose une réduction de 38 % des consommations énergétiques des bâtiments actuels d'ici 2020. Cette règlementation applicable à tous les bâtiments accueillant du public exclut pour le moment le secteur hospitalier. C’est une bonne chose car cette réduction est inopérable pour les hôpitaux disposant d'un plateau technique (bloc opératoire, stérilisation...) très énergivore. Il est pourtant primordial que les hôpitaux français s'engagent immédiatement dans une transition énergétique. L'enjeu est de taille : le prix de l'énergie explose – le coût a été multiplié par quatre environ dans les six dernières années. Ne pas agir aujourd'hui, c’est s’engager à payer une lourde facture demain. Nous pensons qu’une adaptation de la règlementation est souhaitable, à savoir de soumettre le parc hospitalier hors plateau technique à cette mesure.

 

La rénovation énergétique se répartit autour de trois principaux chapitres : les modes de production et de distribution du chaud et du froid, l'utilisation d'énergies renouvelables et l'isolation intérieure et extérieure. Nous évaluons à 300 € le ratio d'investissement nécessaire par m2, ce qui équivaut à une facture de 30milliards d'euros dont il faudra s'acquitter ! Les établissements hospitaliers ne disposant pas de budget pluriannuel, ils sont dans l'incapacité de bâtir un plan d'investissement visant une réduction de leur consommation énergétique sur les années qui viennent.

 

Des Exemples Probants

Le tout nouveau bâtiment de l’Hôpital d’Alès, dans le Sud de la France, entièrement écoconstruit, a généré un surcoût de 5 %, « cette différence n’étant due qu’au nombre des patios qui ont augmenté l’assise du bâtiment », précise François Mourgues, directeur de l’hôpital, pour qui la reflexion sur l’écoconstruction a commencé en 2002, pour un bâtiment qui a ouvert ses portes en 2010.

 

Au quotidien, la construction ex-nihilo d’un hôpital est rare. Il s’agit plutôt de rénovation et d’aménagements. Ailes obsoletes datant des années 1960, voraces en énergie, bâtiments de grande hauteur avec des coûts de consommation qui s’envolent, c’est au moment de la rénovation qu’il faut prendre le train écologique à bras-le-corps. Souvent, les directeurs d’établissement ont l’impression d’hériter de problèmes quasiment historiques : ces trente dernières années, alors que le pétrole coulait à flot, personne ne se préoccupait de la performance énergétique d’un bâtiment.

 

La Labellisation

Une fois prise la décision de l’écoconstruction, se pose la question du référentiel : Leed, Breeam, HQE, ISO 14001 ou, plus centré sur la consommation énergétique, Passiv Haus, Bund Gütesiegel ou Net-Zéro. Comment s’y retrouver dans une jungle de sigles et de types de certification ? Si la plupart des labels écologiques prennent en compte le système de management environnemental dans son ensemble (ISO 14001, ISO 26000, EMAS), certains tiennent exclusivement compte de leurs performances énergétiques (Passiv Haus, Net-Zéro, Bund Gütesiegel).

 

En France, la référence en matière de construction est la demarche HQE (Haute qualité environnementale). Créé en 1996 par l’association qui lui a donné son nom, le référentiel HQE a deux objectifs principaux : la maîtrise de l’impact sur l’environnement et la garantie d’un environnement intérieur satisfaisant. L’hôpital d’Alès, 40 000 m2 de bâti, est un très bon exemple en la matière. Le texte du Grenelle de l’environnement est aujourd’hui clair : « Tous les bâtiments neufs devront intégrer des critères HQE, tendre vers des objectifs de Bâtiment basse consommation ou de Très haute performance énergétique pour les bâtiments concernés par des activités tertiaires, tout en respectant les spécificités liées aux activités de soin. »

 

Et les pionniers ont lancé la machine : Le Centre hospitalier de Dieppe est en train de finaliser la construction d’un bâtiment de psychiatrie de 5 000m² qui atteint les normes Bâtiment basse consommation (BBC) et d’un bâtiment de médecine de 171 lits, avec de la dialyse et des consultations, également BBC, dans une démarche HQE. De même, le nouvel hôpital d’Orléans, qui ouvrira ses portes en 2015, sera lui aussi écoconstruit. L’édifice s’étendra sur 205 000m², et respectera les préceptes de l’architecture bioclimatique, écologique et économique.

 

Pour son directeur, Jean-Pierre Gusching, c’est l’aboutissement de sept années de travail et de plusieurs centaines de réunions. Il a fixé ses priorités : la relation harmonieuse avec les riverains et l’environnement immédiat, la gestion de l’énergie (objectif : -20 %par rapport à 2005), l’entretien et la maintenance. Et il remplit les quatorze cibles proposées par le HQE, c’est assez rare pour le noter ! Car c’est bien le problème du referential HQE : si la démarche HQE a été retenue par l’ANAP, Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux pour servir de référentiel environnemental pour la construction des futurs hôpitaux, elle n’en est pas moins jugée « dépassée » par de nombreux protagonistes des secteurs concernés. Les labels américain LEED et britannique BREEAM sont beaucoup plus exigeants.

 

L’écoconstruction est le grand chantier de demain. La construction est à la croisée des trois piliers du développement durable : l’écologie, l’économie et le sociétal. Minimiser l’impact écologique d’un établissement permet de ne pas hypothéquer les ressources naturelles des générations à venir ; maîtriser ses dépenses d’énergie permet d’assurer la viabilité économique du projet ; et enfin, l’amélioration de son confort de fonctionnement permet de remplir les critères sociétaux. D’après Philippe Pelletier, président du Comité stratégique du plan bâtiment Grenelle en France, « L’étape suivante, c’est 2021, où nous avons décidé que les bâtiments seront à énergie positive, c’est-à-dire qu’ils produiront plus d’énergie qu’ils n’en dépenseront. »

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