HealthManagement, Volume 6 - Numéro 2, 2013

Auteur

Fabien Voix

Président national de l’AFPPE

Association Française du Personnel Paramédical d'Electroradiologie

Montrouge, France et Cadre de santé CHU de Poitiers Poitiers, France

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L’organisation des soins dans le système de santé français repose sur la collaboration entre les professionnels de santé médicaux et leurs auxiliaires (paramédicaux). L’exercice de la medicine en France s’est en effet structuré autour de l’activité des médecins, positionnant les « auxiliaires » ou les « para » médicaux comme des aides pour l’activité médicale, sous la seule responsabilité des médecins. « Au centre de la construction se trouve la profession médicale, les compétences des autres professions étant construites comme des derogations au monopole médical, protégé par l’exercice illégal de la profession » [1]. Sur le plan de la légalité, les auxiliaires médicaux travaillent sur prescription médicale pour les activités en relation avec l’administration des soins.

 

Le Décret n°97-1057 et l’Evolution Des Compétences

L’évolution des techniques notamment en imagerie a conduit les radiologues et les manipulateurs à faire évoluer conjointement leurs activités et leurs compétences.

 

La publication du décret n° 97-1057 du 19 novembre 1997 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession de manipulateur d'électroradiologie médicale a permis d’établir la liste des actes que les manipulateurs sont habilités à exécuter. Bien que ce décret permette d’encadrer la pratique professionnelle, l’évolution des techniques et certaines activités frontières ont échappé à l’exhaustivité de la liste des actes et sont donc considérées comme des activités illégales si elles sont réalisées par les manipulateurs.

 

La problématique liée à l’échographie est consécutive à la publication du décret précité, car cette technique y est clairement exclue : « Art. 2. - Sous la responsabilité et la surveillance d'un médecin en mesure d'en contrôler l'exécution et d'intervenir immédiatement, le manipulateur d'électroradiologie médicale est habilité à accomplir les actes suivants : (…) g) Recueil de l'image ou du signal, sauf en échographie (…) » [2].

 

En effet, avant 1997, le manque d’encadrement de l’activité des manipulateurs avait conduit certains manipulateurs et radiologues à collaborer dans le domaine de l’échographie. Ainsi, dans de nombreux établissements, les manipulateurs pratiquaient l’échographie sous l’encadrement des médecins. Certaines équipes ont poursuivi l’activité après 1997 malgré le caractère illégal de cette pratique pour les manipulateurs. Cette situation a été à l’origine du positionnement de plusieurs centres lors des expérimentations “Berland” afin de démontrer le bien-fondé de ce type de coopération.

 

Un Protocole De Coopération Spécifique

La publication de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) et plus particulièrement l’article 51 a donc permis de créer les dispositions législatives permettant de légaliser cette pratique par l’intermédiaire d’un protocole de coopération spécifique validé par la Haute Autorité de santé (HAS) et d’une formation adaptée.

 

À ce jour, plusieurs régions ont demandé l’extension du « protocol de coopération entre médecins radiologues ou nucléaires et manipulateurs d'électroradiologie médicale (ERM) forms à l'échographie, exerçant au minimum 50 % de leur temps de travail dans ce domaine » autorisé par l’ARS de Lorraine. Cinq ARS ont déjà publié un arrêté d’autorisation concernant ce protocole : Aquitaine, Bourgogne, Centre, Paris Île-de-France, Poitou-Charentes. Quatre autres régions se sont inscrites dans la même démarche : Martinique, Languedoc-Roussillon, Provence- Alpes-Côte d'Azur, Rhônes-Alpes). [3] Parallèlement à la publication des arrêtés d’autorisation, la formation dans le cadre du DIU d’échographie se poursuit et 50 manipulateurs sont actuellement en cours de formation. L’engouement des équipes pour ce protocole dans les différentes régions est la preuve que cette pratique répond à un besoin d’organisation en imagerie sur le plan national. L’étape suivante sera de définir comment l’échographie va entrer dans le champ d’activité des manipulateurs. Deux options vont être à étudier :

• l’intégration de l’échographie dans la formation initiale ;

• la reconnaissance de cette pratique en tant que pratique avancée

avec une formation de niveau master.

 

Le Contexte Actuel

Afin de mieux cerner la problématique, une analyse du contexte paraît nécessaire. La situation démographique médicale actuelle rend indispensable les collaborations entre les professionnels et va donc permettre de poursuivre la mise en place d’organisations des soins basées sur un partage des activités entre les médecins et les auxiliaires médicaux. Les progrès technologiques permanents bouleversent l’imagerie médicale. Le corps médical, confronté à une sémiologie diversifiée et à des arbres décisionnels complexes, confie aux manipulateurs une part croissante de la réalisation des examens voire la totalité de celle-ci.

 

L’activité des manipulateurs, du fait de l’évolution des équipements médicaux et des exigences en matière sanitaire, est de plus en plus technique et protocolisée. Les manipulateurs qui aident les médecins radiologues dans la réalisation des examens se voient progressivement confier la conduite de ces mêmes examens. Les médecins se distancient de la partie liée à l’exécution pour se centre sur la définition et l’élaboration des protocoles, le contrôle des explorations et l’établissement des diagnostics. Ainsi, en imagerie de projection, les manipulateurs conduisent et conduiront de plus en plus pratiquement l’ensemble des examens. Un protocole de cooperation a été déposé dans ce sens en région Bretagne concernant la « réalisation par un manipulateur ERM du transit oeso-gastroduodénal sans interprétation chez un patient ». [3]

 

De surcroît, les systèmes d’information dédiés se développent au niveau des services ou des pôles (soins, logistique et technique). La communication des données facilite la mise en oeuvre de pratiques de télémédecine qui seront de plus en plus utilisées, le manipulateur pouvant à cet égard être placé sous la responsabilité d’un médecin non spécialisé, alors que le spécialiste de l’imagerie se trouvera éloigné du patient. Ainsi, quelle que soit la discipline concernée, les manipulateurs se verront confier de plus en plus la réalisation des investigations en application de protocoles et hors de la surveillance directe du corps médical spécialisé. Dans ce contexte, le manipulateur doit s’adapter en s’appuyant sur des savoirs fondamentaux solides à partir desquels il doit constamment adapter sa pratique, développer et élargir ses compétences.

 

Cette évolution des activités possibles pour les manipulateurs est concomitante à la mise en place d’une nouvelle formation initiale qui permettra prochainement de faire reconnoitre le niveau de formation au grade de licence. Cette formation doit amener les professionnels à mieux s’adapter à leur environnement et donc à « apprendre à apprendre » afin de répondre aux besoins des patients et des organisations.

 

Cependant, l’évolution actuelle dépasse la simple actualisation d’un savoir à une évolution technologique. Elle touche le Coeur du métier avec la maîtrise de nouvelles compétences, et la question se pose de savoir si ces nouvelles compétences peuvent être introduites dans la formation initiale de base, ou si elles justifient un réel complément des notions de bases insuffisantes compte tenu des attentes nouvelles très spécifiques.

 

La Valorisation De La Place De La Clinique

Les travaux préparatoires de la réingénierie de la formation ont montré l’importance des connaissances en matière de reflexion clinique pour les professionnels de santé. Des unités d’enseignement ont donc été ciblées dans ce sens sur les méthodes et fondements de la pratique.

 

L’acquisition des compétences en stage est soulignée, et les savoirs et savoir-faire sont combinés dans leur apprehension et évaluation. L’étudiant doit construire luimême, progressivement, l’acquisition de ses compétences. Il est amené à devenir un « praticien autonome et réflexif », c’est-à-dire quelqu’un capable d’utiliser les resources qu’il a à sa disposition pour traiter des situations de soins et de santé. La durée et la diversité des stages, la progression dans les acquisitions, le travail sur les situations et l’accent mis sur l’auto-évaluation vont dans ce sens. Ainsi, les futurs manipulateurs devraient être mieux prepares pour faire face aux évolutions de leur environnement professionnel. L’émergence de nouvelles activités et la reconnaissance universitaire de la formation peuvent laisser envisager un continuum dans le parcours professionnel des manipulateurs avec la mise en place de formations au niveau master.

 

La tendance forte est une autonomie accrue, avec des equips réduites autour des équipements, les radiologues et médecins ayant la fonction de prescription et d’interprétation. Deux niveaux d’expertise se dessinent : celui de manipulateur confirmé et de manipulateur expert.

 

L’affectation à tout poste correspondant en pratique à un équipement particulier ou un domaine thérapeutique particulier (neuroradiologie, médecine nucléaire, radiothérapie, etc.), conduit à développer des compétences spécifiques à ce poste. Le manipulateur en électroradiologie confirme ses pratiques et ses savoirs. Pour cela un temps d’adaptation est nécessaire qui peut être conforté par de la formation (au poste, en auto-formation, le cas échéant par des formations courtes). Si le professionnel change d’affectation, un nouveau temps d’adaptation sera nécessaire : des nouveaux savoir-faire, protocoles, pratiques techniques et soignantes... mais le métier demeure, le manipulateur confirme ses savoirs, sait peut-être mieux les mobiliser, mais il n’y a pas de changement de métier. En fait, qu’il change d’affectation ou non, compte tenu de l’évolution technologique permanente, l’apprentissage permanent est de rigueur.

 

En revanche, une extension des compétences, en sus de celles acquises pour le métier de base, semble se dessiner sur quelques domaines d’expertise pouvant aller jusqu’à la création d’un nouveau métier. En fonction de l’autonomie que les manipulateurs vont acquérir dans la pratique de l’échographie, il est possible d’envisager l’émergence d’un nouveau métier dit de « niveau intermédiaire ». Cette évolution vers des niveaux de pratique avancés nécessite que les professionnels soient formés à la dimension médicale des actes, que l’acquisition de l’expertise soit reconnue et que la pratique avancée se fasse dans des conditions de sécurité optimales (protocoles, supervision médicale, formation).


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