HealthManagement, Volume 5 - Numéro 1, 2012

Auteurs

Prof. Elisabeth

Schouman-claeys

Chef du service de radiologie

Hôpital Bichat, Paris, France

 

Prof. olivier clément

Hôpital Européen, Georges Pompidou

Paris, France

[email protected]

 

Inhérente à toute technique d’opacification directe (artériographie par exemple), l’injection d’un produit de contraste est un geste fréquent lors des examens courants que sont le scanner et l’IRM. L’intérêt de cette injection est de rehausser l’appareil circulatoire et différents organes, et ainsi d’aider à l’individualisation et à la caractérisation des pathologies. Les accidents, certes rares et même exceptionnels pour les plus graves (décès), sont bien répertoriés. Les facteurs de risque sont connus, même si on sait que certaines réactions, y compris graves, sont imprévisibles.

 

L’étape de l’injection n’est donc jamais anodine et reste pour les équipes un moment critique. Cette conscience de la prise de risque, prégnante en imagerie médicale, devrait en favoriser la gestion. Gérer c’est connaître, prévenir et s’organiser. Ce qui suppose, face à la complexité des situations cliniques et à la diversité des niveaux d’éducation des intervenants, de proposer des règles de conduites simples et de vérifier qu’elles sont bien comprises.

 

Les Principaux Risques

On distingue schématiquement les manifestations immédiates, en l’occurrence des réactions assez souvent allergiques, et les manifestations retardées que sont principalement l’insuffisance rénale secondaire aux produits de contraste iodés (techniques utilisant les rayons X) et la question maintenant bien appréhendée de la fibrose néphrogénique systémique après injection de produits de contraste gadolinés (IRM). L’objectif ici n’est pas de detailer les différents risques et la façon de les prévenir individuellement, mais de lister des solutions visant à réduire ces risques.

 

Les Prérequis

Ils portent sur les savoirs et les organisations. Les messages sont les suivants :

Avoir une bonne connaissance globale des risques liés à l’utilisation des produits de contraste, et plus spécifiquement de ceux éventuellement propres aux molécules utilisées, ou aux utilisations particulières qui en sont faites (exemple de l’injection intrathécale) ;

 

S’assurer de l’actualisation de ses connaissances. Une bonne gestion de site consiste à individualiser la thématique « produits de contraste », et à convenir du nom d’un médecin référent plus particulièrement en charge de la veille sur le sujet. L’accessibilité par Internet aux recommandations des groupements professionnels et sociétés savantes facilite grandement le suivi mais l’évolutivité des données, d’année en année, est également plus rapide ;

 

Être forméà l’identification, la caractérisation, la stadification (classification de Ring et Messmer) et à la prise en charge des réactions d’intolérance. Les mises en situation sur site sont utiles. Le personnel médical et non-médical devrait ainsi pouvoir régulièrement bénéficier d’une formation pratique à la prise en charge des urgences vitales. Il existe aussi des formations labellisées pour le personnel des établissements de santé qui ouvrent droit à une attestation valable 4 ans (arête du 3 mars 2006 relatif à l'attestation de formation aux gestes et soins d'urgence), comme des formations centrées sur les accidents aux produits de contraste proposées, entre autres, pendant les Journées Françaises de Radiologie ;

 

Disposer d’un matériel de prise en charge complet, conforme, fréquemment et régulièrement vérifié, regroupé dans un chariot dans les établissements de santé, ou une mallette d’intervention en cabinet. Ce matériel doit être aisément accessible, situé dans une position centrale, un lieu connu de tout le personnel, non fermé à clef mais non ouvert au public. La verification du matériel consiste à s’assurer de ce que, au regard d’une liste préétablie, le contenu est complet, et que les dates de péremption sont bien respectées. La répartition des rôles dans la vérification du chariot doit être établie : on peut par exemple proposer un contrôle tous les jours ouvrés par les manipulateurs potentiellement utilisateurs de ce chariot (c’est pour eux un moyen d’en connaître le contenu), avec émargement d’un cahier de suivi, et par ailleurs des vérifications ponctuelles par le responsable qualité. Il faut aussi être au clair sur les suites à donner en cas d’utilisation du matériel : mise à jour de son contenu, puis fermeture par un petit scellé plastique, à la fois témoin de ce que la vérification a été faite et dissuasion au regard des velléités de « piocher » dans cette pseudo réserve.

 

La promotion des dosages sériques d’histamine et de tryptase pour caractériser les réactions de type allergique invite par ailleurs à mettre à disposition, avec ce matériel, des kits de prélèvement ;

Disposer de moyens de communication efficaces (téléphonie avec numéros d’urgence apposés sur ou à proximité immédiate des postes téléphoniques, interphonie), de procedures simples (comme, à l’américaine, le « code bleu » utilisé pour les grandes urgences), et de circuits définis avec les intervenants extérieurs (appel d’un réanimateur ou du SAMU), etc. ;

Afficher des rappels sur la conduite pratique immediate en cas d’urgence ainsi que des précisions sur les prises encharge spécifiques : circuit des prélèvements sanguins pourcaractériser une réaction allergique et prise de rendez-vousauprès d’un allergologue spécialisé ;

Assurer la formation des nouveaux (personnel medical et non médical) dès leur prise de fonction. Parallèlement,un remplaçant arrivant sur un site doit s’enquérir sur lesmoyens mis à sa disposition et sur l’organisation mise enplace en cas d’urgence.

 

La Gestion Du Risque Au Cours Des Etapes De l’Examen

1. la prise de rendez-vous

• Disposer d’un référentiel pour que le personnel identifie aisément, en fonction du contenu de la demande, les examens pour lesquels une injection sera nécessaire. Cette prédécision qui conditionne les étapes ultérieures de la planification est usuellement confiée à du personnel non medical et sera réévaluée lorsque le patient se présentera ;

• Savoir identifier les patients présentant un risque allergique, la question essentielle étant celle d’une réaction d’intolérance lors d’une exposition antérieure à un produit de contraste. Une formule du type : « Avez-vous déjà eu un examen scanner ? une IRM ? cela s’est-il bien passé ? » permet d’aborder simplement le sujet, sans créer d’anxiété ;

• Savoir identifier les patients devant justifier d’un dosage de créatininémie, que ce soit pour un examen scanner (risque d’insuffisance rénale) ou une IRM (risque de fibrose néphrogénique variable selon les produits utilisés). Les attitudes peuvent être systématiques, pour tout patient, ou à la demande, dans un souci d’économie, notamment pour les patients ambulatoires et pour peu d’exclure l’usage des produits à risque (produits iodés hyperosmolaires et produits gadolinés linéaires non substitués). Tout cela en fonction des facteurs de risque recueillis à l’interrogatoire du patient et/ou sur des formulaires renseignés par les demandeurs (patient âgé de plus de 70 ans, diabète, antécédent de pathologie rénale, chirurgie rénale, protéinurie, goutte, insuffisance cardiaque, etc.). L’accès à un dosage récent (moins de 2 mois, voire moins de 6 semaines sauf détérioration clinique dans l’intervalle) permettra par ailleurs de limiter les prélèvements ;

• Bannir le jeûne, antinomique avec la protection à apporter par une bonne hydratation (prévention des nephropathies secondaires aux produits de contraste iodés) ;

• Organiser les rendez-vous avec injection sur des créneaux de présence médicale ;

• Ne pas exposer inutilement le patient à des injections répétées et donc organiser, dans la mesure du possible, la prise en charge du patient en un seul temps (notion de « one-stop shop » malheureusement mal valorisée par la tarification française) ;

• Dans l’hypothèse où des injections consécutives sont nécessaires, s’assurer d’un intervalle libre adapté à la dose utilisée, à la fonction rénale et à la situation clinique (chez un patient à la fonction rénale normale, tabler sur une demi-vie de l’ordre de 2 heures pour les produits non spécifiques).

 

2. l’accueil et la préparation du patient

• Vérifier que les facteurs de risque ont été recherchés ;

• Les prendre en compte pour, si besoin, remettre en question l’injection : exploiter les résultats de créatininémie pour les exprimer sous forme de DFG (débit de filtration glomérulaire) estimée par la formule MDRD1. Si besoin et si cela n’a pas été déjà fait, rechercher une substitution par un autre examen ou corriger une éventuelle déshydratation (des protocoles permettant une réhydratation rapide, ne retardant l’examen que d’une heure, sont maintenant disponibles) ;

• S’enquérir d’un éventuel traitement par bêtabloquants, sachant qu’il s’agit d’un facteur de complexité de traitement du choc si celui-ci survient. Parallèlement, recenser la tension artérielle de base pour pouvoir se mettre, en cas d’accident, dans des conditions permettant d’interpréter les constantes vitales.

 

3. l’affectation du protocole et la réalisation de l’acte

• Utiliser un produit autorisé et adapté pour l’usage souhaité (type, concentration) en prenant en compte les éventuels facteurs de risque du patient ;

• Dans l’hypothèse où on resterait sur une imprecision quant à la caractérisation d’une réaction antérieure et où l’examen ne pourrait être différé, changer de produit ;

• Utiliser la dose minimum nécessaire à l’établissement du diagnostic (et donc adapter la dose au patient) ;

• Tracer le produit et la dose utilisés, ainsi que le numéro de lot ;

• Savoir faire assurer par un médecin la preparation des produits utilisés par voie intrathécale (il y a absence de droit à l’erreur compte tenu des risques spécifiques de certains produits et des objectifs draconiens d’asepsie).

 

4. la surveillance du patient

• Être systématiquement deux soignants dont un médecin à proximité du patient lors d’une injection : un

soignant en prise directe, connaissant bien le site, sachant à la fois apporter son aide immédiate et escalader les alertes, et un médecin prêt à intervenir. Ce médecin n’est pas nécessairement un radiologue, et peut tout autant être, par exemple, un urgentiste (solution retenue en téléradiologie) ;

• Assurer cette surveillance de façon attentive pendant la phase critique qui couvre au minimum les quinze premières minutes suivant l’injection. Le patient doit rester dans une structure médicalisée dans les 30 minutes qui suivent une injection ; dans le cas d’une hospitalisation, cette precaution est automatiquement respectée ; pour ce qui est des patients ambulatoires, il faudra éventuellement les faire patienter avant de les autoriser à partir.

 

5. En cas d’accident

• L’identifier et intervenir au plus vite ;

• Penser à noter l’heure de début ;

• Mettre en oeuvre le traitement adapté ;

• Au décours d’une réaction allergique, lancer au plus vite les prélèvements sanguins adéquats et organiser la consultation en allergologie spécialisée qui peut conduire à des recommandations d’éviction formelle du ou des produits de contraste auxquels le patient s’avèrerait allergique.

 

6. le compte rendu

• Il précise les données sur le produit de contraste utilisé (type et dose), les réactions d’intolérance éventuelles constatées, les intervenants et la conduite retenue. Le compte rendu est en effet l’outil essentiel de traçabilité, les simples lettres étant plus aléatoirement intégrées au dossier du patient.

• Pour les patients ayant des histoires allergiques complexes, il est également important, après un examen qui s’est bien déroulé, de faire figurer que la tolérance a été bonne, sans manifestation clinique.

 

Quelques Messages Pour Conclure
- La Pertinence De l’Examen

Il va de soi que s’agissant d’un risque lié à un examen, la pertinence (justification) de ce dernier aura été vérifiée. En cas de complication, c’est une des premières questions qui sera soulevée.

 

- L’Information Du Patient

La gestion des risques suppose bien évidemment une information du patient sur les risques auxquels il s’expose et ce lors de la demande formulée par le clinicien, et de la prise du rendez-vous, l’étape même du rendez-vous étant souvent trop tardive pour offrir au patient la liberté de renoncer ou tout au moins de surseoir à l’examen.

 

- L’Excès De Zèle

Le refus injustifié d’examen : la prise en compte de la potentielle néphrotoxicité des produits de contraste conduit parfois à des positions excessives, ne prenant pas en compte que, dans l’évaluation du rapport bénéfice/risque, le fait de refuser ou de différer un examen ou de ne le réaliser que sans contraste, peut tout autant être préjudiciable au patient. Pour des injections intraveineuses, on retient maintenant comme seuil de risqué un DFG (débit de filtration glomérulaire) estimé par la formule MDRD à moins de 45 ml/mn/1.73m2. Ce n’est que passé ce seuil que sont recommandées la recherche d’une technique alternative, ou, si l’indication est maintenue, l’expansion volémique et l’hydratation. La discussion au cas par cas avec le néphrologue comme avec le patient doit par ailleurs être toujours préférée au simple renvoi d’un patient.

 

L’interruption intempestive d’un traitement : toujours pour les utilisations intraveineuses, l’arrêt de la metformine n’est maintenant proposé que pour des DFG à moins de 45 ml/mn/1.73m2.

 

- L’IRM Est Aussi Un Examen à Risque

Des réactions allergiques, parfois graves, décrites initialement avec les produits iodés, peuvent également survenir en IRM. Le risque est d’autant plus important qu’à tort cette technique a une réputation d’innocuité et que, par rapport au scanner, l’isolement physique plus important (étroitesse du tunnel, porte de la salle hermétiquement close) et la longueur de l’acquisition rendent la surveillance des patients plus difficile. D’où l’importance de la qualité des communications audio et visio, des solutions de type sonnette d’alarme et, si nécessaire, de la surveillance temps réel des constantes vitales.

 

- L’Harmonisation Des Terminologies

La présentation des niveaux de risque gagnerait à être standardisée, la fréquence des effets rapportés, sur la base des données de pharmacovigilance, étant précisée selon les propositions d’harmonisation suivantes : « Un effet indésirable est dit :

• très fréquent si la fréquence est ≥ 10 % ;

• fréquent si la fréquence est ≥ 1 % et < 10 % ;

• peu fréquent si la fréquence est ≥ 0,1% et < 1 % ;

• rare si la fréquence est comprise entre ≥ 0,01 % et < 0,1 % ;

• très rare si la fréquence est < 0,01 %. »

- les risques orphelins

 

N’oublions pas les effets indésirables liés à la charge osmotique des produits de contraste iodés (d’où la recherché préalable d’un sub-oedème pulmonaire par des coupes sans injection lors de l’exploration d’une dyspnée), aux résidus iodés contenus dans les flacons de produit de contraste iodés (injection contre-indiquée en cas d’hyperthyroïdie), ainsi que les précautions à prendre en cas de grossesse.

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