HealthManagement, Volume 4 - Numéro 2, 2011

Le Mélange Equimolaire d’Oxygène Et De Protoxyde d’Azote MEOPA
Auteurs

Dr Florence tiberghien

Châtelain

Dr Véronique Piccand

Centre d’Evaluation et de traitement de la douleur CHU Jean Minjoz Besançon, France

 

Prof. Bruno Kastler

Dr Sébastian Aubry

Service de Radiologie

Cardiaque et Thoracique, Sénologie et Traitement

de la douleur CHU Jean Minjoz

et

Laboratoire Intervention, Innovation, Imagerie et Ingénierie en Santé

Université de Franche comté, Besançon, France

[email protected]

 

La prévention des douleurs dans les établissements de santé est l’une des priorités des différents plans de lutte contre la douleur qui se sont succédés ces dix dernières années.

 

Les gestes invasifs de radiologie interventionnelle à visée diagnostique et/ou thérapeutique (biopsie, infiltrations, neurolyse, cimentoplastie, radiofréquence, embolisation) ont connu un développement important cette dernière décennie et sont parfois pourvoyeurs de douleurs per interventionnelles, variables d'un patient à l'autre et d’une technique à l’autre. Si certaines procédures nécessitent encore une anesthésie générale (interventions longues et douloureuses comme certaines radiofréquences), la plupart peuvent être réalisées en dehors de la présence d’un anesthésiste mais réclament des protocoles antalgiques à prévoir avant le geste.

 

Les antalgiques non opiacés de palier I (paracétamol, antiinflammatoires non stéroïdiens), opioïdes faibles de palier II (tramadol, paracétamol codéine) ou opiacés de palier III (morphine oxycodone per os) doivent être instaurés une heure avant le début des techniques. Les opioïdes forts injectés par voie intra veineuse sont rarement disponibles dans les services de radiologie et nécessitent des précautions d’emploi si le patient n’est pas traité au long cours par un opioïde fort (risque de dépression respiratoire) sauf la nalbuphine (opioïde agoniste antagoniste), mais elle est contre-indiquée en association avec les agonistes opioïdes forts en raison de l’apparition d’un syndrome de sevrage brutal.

 

Le Mélange Equimolaire d’0xygène et de Protoxyde d’Azote MEOPA est un des traitements possibles des douleurs provoquées à condition de respecter ses contre-indications et ses précautions d’emploi. La formation du personnel médical et paramédical est obligatoire et doit être réactualisée. Cette formation est délivrée par les membres des structures douleur ou des comités de lutte contre la douleur des établissements de soin. Les objectifs de cet article sont de rappeler l’historique et les recommandations d’utilisation du MEOPA.

 

Historique

Découvert par hasard par un chimiste anglais à la fin du XVIIIème siècle, ses propriétés analgésiques et euphorisantes furent décrites par Davy qui le surnomme « gaz hilarant ». Le protoxyde d’azote N2O fait partie de la classe des anesthésiques généraux. Associé à l’oxygène, il est utilise dès 1844 en dentisterie puis en 1881 pour soulager la douleur de l’accouchement et de celle de l’infarctus du myocarde. À la fin du XIXème siècle, le mélange d’Oxygène O2 et protoxyde d’azote N2O est utilisé largement en anesthésie à des concentrations de N2O de l’ordre de 60 à 70 %. En dehors du bloc opératoire, une utilisation analgésique se développe depuis le début des années 60 notamment en Grande-Bretagne.

 

En France, son utilisation remonte aux années 80 dans le transport médicalisé et dans les salles d’accouchement, puis chez l’enfant depuis le début des années 90. Le mélange équimolaire disponible en bouteille prête à l’emploi possède l’autorisation de mise sur le marché depuis le 15 novembre 2001 (Kalinox, Medimix, Entonox), étendue depuis 2009 à une utilisation extrahospitalière (cabinet dentaire par exemple).

 

Propriétés

Le N2O est un gaz incolore, inodore, ininflammable, comburant, de saveur sucrée. Il possède des proprieties antalgiques, anxiolytiques et amnésiantes. Son mécanisme d’action est encore mal connu.

 

Son absorption et son élimination par voie pulmonaire sont très rapides en raison de sa faible solubilité dans le sang et les tissus. Cette propriété explique la rapidité de son effet antalgique et anxiolytique. Cet effet s’installe en une minute avec un effet maximal après trois minutes d’inhalation. Il est réversible en trois minutes dès que l’on ôte le masque (élimination pulmonaire complète sans effet rémanent). Le N2O ne subit pas de transformation rénale et hépatique. Ce gaz est très diffusible. Le N2O induit une perturbation de toutes les formes de sensations et une relaxation générale équivalente à un état de sédation consciente. Les réflexes de toux et de protection laryngée sont conservés. Le patient n’a donc pas besoin d’être à jeun.

 

Indication

Le MEOPA possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la prévention des douleurs provoquées de tous les actes diagnostiques et thérapeutiques de courte durée. Nous le proposons systématiquement aux patients adressés dans notre unité pour les gestes de biopsies, infiltrations, neurolyses, cimentoplasties, radiofréquences, embolisations. En général, vu son excellente tolérance et son utilisation aisée, les patients acceptent. Il est administer sur prescription médicale nominative.

 

La posologie maximale est d’une heure par jour 15 jours de suite. Après une pause de 48 heures, la même posologie peut être renouvelée 15 jours. En effet, le N2O entraine une oxydation de la vitamine B12 impliquée dans la synthèse de la myéline. Afin d’éviter une anémie ou une neuropathie lentement réversible, son dosage est nécessaire ainsi qu’une supplémentation en cas d’utilisation répétée.

 

Contre-Indications

Le N2O est un gaz très diffusible – il diffuse dans toutes les cavités creuses naturelles de l’organisme (ex. : l’intestin) ou pathologiques (ex : emphysème) et y augmente le volume et la pression. Pour ces raisons, il est contre-indiqué dans le pneumothorax, les embolies gazeuses, l'emphysème, l’occlusion digestive ou la distension abdominal (gastrique ou intestinale). Nous n’utilisons pas le MEOPA pour les radiofréquences pulmonaires en raison du risqué de pneumothorax.

 

Il est également contre-indiqué dans les cas suivants :

les accidents de plongée,

les accidents sur l'oreille interne,

les obstructions sinusiennes,

toute altération de l’état de conscience empêchant la coopération du patient,

l’hypertension intracrânienne,

pour les patients nécessitant une ventilation en oxygène pur,

pour les patients ayant reçu récemment un gaz ophtalmique (SF.6, C3F8, C2F6) utilisé dans la chirurgie oculaire tant que persiste une bulle de gaz dans l’oeil et au minimum pendant une période de trois mois,

l’insuffisance cardiaque majeure et un état hémodynamique précaire,

les traumatismes faciaux gênant l’application du masque,

en association avec des gestes utilisant un laser (risque explosif),

si refus du patient,

si le geste est trop long, supérieur à une heure, et trop douloureux,

si la température ambiante est inférieure à 0° C, à l’origine d’une séparation des gaz exposant au risque d’hypoxie.

 

Effets Secondaires

Ils sont modérés et inconstants et disparaissent dans les minutes qui suivent l’arrêt de l’inhalation. Ces principaux effets sont des modifications des perceptions sensorielles à type d’acouphènes, d’hallucinations visuelles et auditives, de paresthésies, d’euphorie, de sensations d’ébriété, de rêves. Il est possible d’observer également une agitation, une oppression thoracique ainsi que des nausées et vomissements.

 

Mode d’Administration Et Surveillance

Après avoir informé le patient du soin et du bénéfice de la technique, le gaz est administré par l’intermédiaire d’un masque facial dans lequel le patient respire normalement. Il peut être couché sur le dos ou sur le ventre, la tête sur le côté, et il peut parfois tenir seul son masque ce qui lui permettra de retirer le masque lui-même en cas d’intolérance.

 

L’étanchéité du masque doit être assurée. Un soignant doit toujours surveiller le patient qui doit pouvoir répondre à des questions simples. Le débit du mélange est déterminé par la ventilation spontanée du patient et doit être suffisant pour garder le ballon gonflé (9 à 12 litres chez l’adulte). Le patient est relaxé, détendu, détaché de l’environnement, il reste cependant parfaitement conscient.

 

Le MEOPA peut être utilisé en association avec tous les antalgiques et les anesthésiques locaux.

 

On observe une potentialisation des effets sédatifs avec les psychotropes et les opioïdes forts. En ambulatoire, il convient de garder le patient sous surveillance pendant 30 min avant son départ.

 

Le MEOPA doit être utilisé dans des locaux aérés, sinon un système d’évacuation est nécessaire pour évacuer les gaz (Kit disponible). Le N2O n’est pas tératogène chez l’homme. De rares cas d’infertilité ont été observés lors d’expositions prolongées dans des pièces non aérées. Il convient de fermer la bouteille avant d’ôter le masque.

 

Le soignant qui tient le masque respire 1% des gaz delivers au patient. Le vécu du personnel médical et non medical est très bon : le confort et la tolérance des gestes étant améliorés, la réalisation de la procédure se passe dans une ambiance calme et sereine. La sédation, associée à l’effet amnésiant, modifie favorablement la perception de la durée de l’intervention des patients. Elle semble plus courte et ils ne s’impatientent pas. Nous avons parfois constaté un effet de désinhibition du patient n’ayant cependant pas gêné le cours de l’intervention.

 

Conclusion

Le MEOPA peut être utilisé pour réduire les douleurs provoquées par les gestes de radiologie interventionnelle si toutes les conditions sont réunies (formation du personnel, information du patient, organisation entre services économiques, gaz médicaux, pharmacie et structures douleur) en raison de ses effets antalgiques et anxiolytiques d’apparition rapide. Son élimination rapide évite toute surveillance prolongée après le geste.

 

Ce médicament ne présente pas d’adaptation posologique et peut s’utiliser chez un patient relaxé, détendu, participatif, même s’il n’est pas à jeun, et permet ainsi d’atténuer l’appréhension des gestes douloureux. Cependant, une évaluation reste nécessaire afin de sélectionner les techniques douloureuses et longues nécessitant encore une anesthésie générale.

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