HealthManagement, Volume 4 - Numéro 1, 2011

Auteur

Philippe Roussel

Directeur

Centre hospitalier du Mans le Mans, France et

Vice-Président

du Centre National, de l’expertise hospitalière (CNeh)

Président

du Comité scientifique, de hit Paris 2011

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On entend souvent dire que l’imagerie médicale, dans les hôpitaux publics ou dans les cabinets libéraux, est en crise. il est vrai que le nombre de postes vacants dans les hôpitaux, les difficultés pour trouver des successeurs aux radiologues libéraux, le nombre d’annonces dans la presse spécialisée et le peu d’enthousiasme des jeunes diplômés inquiets du manque de perspectives pour leur avenir professionnel semblent venir étayer cette affirmation.

 

Pourtant, en y regardant de plus prés, de nombreux autres faits contredisent cette impression largement répandue d’un secteur en grande difficulté :

 

1.Tout d’abord, même si les perspectives de la démographie médicale laissent augurer une baisse notable dans les années à venir, le nombre de radiologues en exercice reste important. Entre 7 500 et 8 000 radiologues, 67 % en libéral et 28 % à l’hôpital, dispensent leurs soins aux patients, soit un nombre de radiologues par habitants nettement plus important que dans beaucoup de pays européens, même si les pratiques ne sont pas totalement comparables ;

 

2. Par ailleurs, l’attrait pour la discipline radiologique reste entier pour les étudiants en médecine : c’est l’une des toutes premières spécialités choisies par les internes ;

 

3. La demande d’examens est aussi en croissance continue, en particulier pour l’imagerie de coupe. Ainsi, des estimations raisonnables prévoient que les examens d’IRM croîtront d’environ 7 % par an dans les années à venir ;

 

4. Les techniques de diagnostic mais aussi de soin d’un certain nombre de pathologies courantes – combinant l’image et le geste thérapeutique – sont en plein développement. Elles sont déjà courantes en échographie et en tomodensitométrie, et bientôt en IRM.

 

On peut donc affirmer que si crise il y a, les causes majeures ne résident pas dans la discipline elle-même, mais dans les contraintes qu’on lui impose et dans la place qu’on lui réserve dans l’organisation des soins.

 

L’Imagerie Sous Contraintes

De nombreux facteurs contraignants viennent perturber une organisation optimale et un développement harmonieux de l’imagerie médicale, pénalisant ainsi une prise en charge adaptée des patients. Sans vouloir en dresser une liste exhaustive, on peut cependant mettre en lumière les principales composantes :

 

1. L’organisation de l’offre de soins sur les territories de santé, à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) et bientôt les plans régionaux de santé publique (PRSP), n’a pas privilégié, dans la plupart des régions, une filière de soins coordonnés donnant à l’imagerie la place qui devrait être la sienne comme élément restructurant majeur de l’offre de soins. D’autre part, le territoire de santé et même la region sanitaire se révèlent être des cadres trop étroits pour cette discipline qui a vocation à transcender les frontiers (encore plus avec le développement de la télésanté) ;

 

2. Le système des autorisations d’équipements dits « lourds » a pénalisé le développement de l’imagerie de coupe au profit, discutable, de la radiologie traditionnelle et de l’échographie.

 

3. Les outils juridiques disponibles pour créer des regroupements sont limités, peu incitatifs et manquent souvent de souplesse. Le groupement d’intérêt économique (GIE), formule la plus utilisée, ne permet pas une véritable intégration des compétences et le groupement de coopération sanitaire (GCS) connait une trop longue gestation pour être rapidement utilisable.

 

4. Les différences de modes de rémunération entre praticiens publics et libéraux, qui concernent aussi les praticiens hospitaliers (PH) qui souhaitent diversifier leur mode d’exercice, ne favorisent pas une bonne harmonie dans la participation à la permanence des soins et sont un obstacle majeur à un éventuel partage de la continuité des soins.

 

5. Le statut des personnels et les habitudes de travail diffèrent souvent d’un secteur à l’autre et la cooperation interprofessionnelle instituée par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) n’en est qu’à ses débuts. Beaucoup de préjugés, d’idées reçues et de réflexes corporatistes doivent être dépassés avant que cette nouvelle distribution des compétences ne porte tous ses fruits dans les unités de radiologie.

 

6. L’organisation de l’hôpital en pôles d’activité n’a pas été accompagnée d’une réflexion sur la place de l’imagerie comme science clinique. La plupart du temps, la radiologie est considérée uniquement comme un pôle médicotechnique, prestataire de services pour les autres secteurs de l’établissement.

 

7.C’est pourquoi il est si difficile de répondre à la question souvent posée : l’imagerie est-elle, au regard des règles de la tarification à l'activité (T2A)* et de la codification des actes médicaux, un centre de coût ou un centre de profit ? La réponse dépend beaucoup de la place institutionnelle faite à l’imagerie et de la reconnaissance, par les pouvoirs publics et l’assurance maladie, de la nature spécifique des actes des radiologues.

 

Au terme de cet examen – pourtant non exhaustif – des contraintes qui pèsent sur la discipline, on comprend aisément pourquoi les acteurs se découragent à l’idée d’innover afin de répondre de manière satisfaisante à la demande croissante d’examens d’imagerie. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, il apparait qu’une approche différente de la situation certes difficile que l’on connait aujourd’hui, permettrait sans doute de débloquer les choses et de trouver des solutions adaptées. À cet effet, il semble indispensable de rappeler quelques éléments de base de la radiologie et d’adopter une méthode de travail permettant une bonne intégration du changement.

 

Les Principes De Base

1.Depuis la fin des années 60, la radiologie est reconnue comme science clinique et non plus comme simple prestation de service. Les radiologues jouent un role essentiel dans les staffs médicaux de la plupart des disciplines pour contribuer à la pose du diagnostic et à l’élaboration de stratégies de traitement. Mais, avec le développement de la radiologie interventionnelle et la multiplication de ses indications, c’est aussi une discipline qui réalise des actes thérapeutiques. La radiologie a toujours pour objectif premier de produire des images mais à l’image s’associe aujourd’hui l’action.

 

2. L’époque où la radiologie était une discipline monolithique est bien révolue. Outre que nombre de médecins non radiologues effectuent des actes d’imagerie diagnostique ou interventionnelle, de nombreuses spécialités et même surspécialités sont apparues au sein de la discipline, liées à l’évolution des connaissances des pathologies mais aussi aux types de patients et aux modes de prise en charge. C’est pourquoi il apparait indispensable d’imaginer de nouvelles filières de soins autour de l’imagerie dans le cadre des plans régionaux de santé. Elles associeraient utilement tous les acteurs concernés et feraient à l’ambulatoire, dont le dévelop - pement est continu et durable, une plus large place.

 

3. La radiologie libérale et la radiologie hospitalière représentent souvent deux métiers différents, correspondant à des choix individuels qu’il convient de respecter. Mais le temps est largement venu de les rendre complémentaires dans un schéma « gagnant-gagnant » où les patients trouveront une réponse adaptée à leurs besoins.

 

4. L’intérêt et la plus-value apportés par la virtualisation des images et des données sont une aide précieuse à l’exercice clinique mais ne sauraient constituer la solution au problème de raréfaction des compétences. Visiostaff **, PACS, et système d’information radiologique (RIS) offrent des modes d’organisation utiles pour partager la connaissance des dossiers et augmenter la possibilité d’expertises, mais ils doivent obligatoirement s’appuyer sur un projet médical commun, à l’échelle de l’établissement ou du territoire. Mais attention également, en voulant créer de grands projets régionaux ou nationaux, de ne pas mettre en oeuvre des usines à gaz trop lourdes pour être efficaces, ce qui entrainerait la démotivation des acteurs de terrain.

 

Dès lors, il me semble indispensable que les solutions imaginable pour sortir des difficultés actuelles soient bâties en s’appuyant sur les méthodes de conduite du changement. L’enjeu majeur des semaines à venir est d’initier une approche nouvelle susceptible de faire bouger les lignes de frontières et de donner une motivation nouvelle aux acteurs de terrain.

 

Les Étapes Du Changement

Cinq étapes me paraissent nécessaires :

1.Établir un état des lieux aussi complet que possible des ressources humaines, matérielles et des installations techniques existantes. Il convient aussi de bien recenser les initiatives déjà prises en matière de coopérations. À cet effet, on peut imaginer la mise en place de structures souples de concertation associant, outre les radiologues, des directeurs d’établissements de santé et des presidents de commissions médicales d'établissement (CME). Compte tenu du rôle qui leur serait imparti, on pourrait utilement les appeler « Observatoires de l’imagerie » dans un territoire donné et les utiliser comme structure pérenne de concertation, en complément des G4 régionaux.

 

2.Recenser les besoins actuels et futurs en prenant en compte l’évolution inéluctable vers des indications

d’images en coupe en croissance régulière, aux dépens de la radiologie traditionnelle et sans doute de l’échographie, et vers une prise en charge ambulatoire des patients.

 

3. Inventer de nouveaux territoires qui correspondent mieux aux spécificités de la radiologie, en lien étroit avec les autres disciplines cliniques. Ainsi, il est nécessaire de dépasser les définitions d’espaces de santé mis en place par les SROS dans les années précédentes.L’imagerie doit se concevoir, surtout à la lumière des remarques précédentes, comme une discipline médicale « transfrontière » : dans un certain nombre de cas, faute d’un nombre suffisant de competences ou d’équipements, elle ne peut s’organiser dans le cadre d’un seul territoire, voire d’une seule région. La notion de « territoire de projet » qui commence à apparaitre dans les projets de planification sanitaire me parait bien adaptée à l’imagerie car elle permet de combiner compétences locales et expertises à distance, notamment au sein des Centres hospitaliers universitaires, dans le cadre d’un projet médical commun concerté et coordonné.

 

4.Construire un projet finalisé en s’appuyant sur les propositions déjà mises en forme par les représentants de la discipline. Ainsi, la création d’un projet professionnel commun est une première approche de cette coordination des soins entre secteurs public et privé, et de nature à lever certains blocages. La structuration territoriale en « Pôles d’imagerie », transcendant les entités existantes, est aussi une piste de travail très intéressante. Laisser les professionnels s’organiser et proposer des innovations tout en les accompagnant avec souplesse et efficacité, tel est le défi actuel lancé à la puissance publique !

 

5. Prévoir un cadre et un temps d’expérimentation en complément des dispositifs législatifs et réglementaires existants. Cette période de test devrait notamment autoriser les acteurs concernés à déroger à leurs statuts de PH ou PUPH (professeurs des universités-praticiens hospitaliers) afin de pouvoir exercer une partie de leur activité, dans un contexte libéral, avec un mode de rémunération adapté.

 

Conclusion

Au terme de cette rapide analyse, le diagnostic est clair : l’imagerie médicale ne souffre pas d’une maladie grave et évolutive. Tout juste traverse-t-elle actuellement une crise de croissance, car elle est plus que jamais la pierre angulaire de la prise en charge du patient.

 

Il faut impérativement alléger les contraintes et les carcans qui pèsent trop lourdement sur elle et faire en sorte que les professionnels soient davantage libres de maitriser les evolutions de leurs pratiques et de leurs structures, en dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes. En particulier, il convient d’ouvrir des évolutions dans les règles statutaires, d’autoriser les expérimentations pour les regroupements de praticiens, sans oublier d’effectuer un changement notable dans le régime des agréments de matériel dit lourd pour passer de la notion « d’autorisation d’équipement » à celle « d’autorisation d’exercice » accordée à une équipe pluridisciplinaire et pluri statutaire.

 

L’urgence de trouver des solutions est évidente pour tous. La volonté d’aboutir anime beaucoup de professionnels de l’imagerie mais aussi de la santé en général. Le ministère de la Santé et les Agences régionales de santé (ARS) commencent à se mobiliser. Sauront-ils ensemble trouver les solutions qui permettront aux patients de trouver, partout en France, la prise en charge de qualité qu’ils sont en droit d’attendre ?

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