HealthManagement, Volume 2 - Numéro 2 / 2009

Interview avec

Prof. Dr Jörg F. Debatin

Directeur médical et PDG

Centre médical universitaire de Hambourg-Eppendorf

Hambourg, Allemagne

 

Le Dr Jörg F. Debatin, 47 ans, est le directeur médical et le PDg du Centre medical universitaire de Hambourg-eppendorf depuis 2003. L'ancien chef de service de radiologie auteur de 30 articles, 6 livres, 1000 présentations scientifiques, et invité à plus de 300 conférences nous raconte sa vie de PDg d’un hôpital. Il nous livre également quelques éléments concernant le projet de restructuration qu’il a orchestré à Hambourg pendant cinq ans.

 

) Depuis 2003, vous êtes le directeur medical et le président de l'UKE Hambourg. Pourriez-vous nous parler d'une journée typique et de ses moments forts ?

Mon travail est centré autour de la communication. J'essaie de garder une heure par jour sans réunion pour marcher dans le centre médical et me faire une première impression. Sinon, la plupart de mes journées sont remplies de reunions programmées sur une base régulière, la plus importante étant notre réunion hebdomadaire du Conseil exécutif le lundi après-midi. Tout au long de la semaine, j’organise des rencontres de façon suivie avec les employés de toutes les professions de notre Centre, y compris les médecins, les infirmières, le personnel administratif, le personnel technique ainsi que nos chercheurs, enseignants et étudiants. Je représente aussi notre centre dans le monde extérieur et exerce, à ce titre, de nombreuses fonctions officielles.

 

) Pourriez-vous nous parler de quelques-uns des changements que vous avez mis en place àHambourg depuis votre arrivée?

J’ai instauré une restructuration totale du Centre : reorganisation du travail de 6 500 salariés, 81 départements et instituts regroupés dans 14 sections, afin d'assurer des soins optimaux pour les quelques 60 000 patients hospitalisés et 120 000 patients ambulatoires qui franchissent nos portes chaque année. Ce projet majeur a restructuré de nombreux processus et fonctions de façon à la fois théorique et pratique. Je citerai en exemple la construction d'équipes interprofessionnelles composées d'infirmiers, de personnels des services techniques et de médecins travaillant au-delà du périmètre de leur service, la restructuration des portefeuilles d'activité des médecins et des services de soins infirmiers, la réalisation du premier système de dossier patient entièrement électronique en Allemagne et un redressement économique complet.

 

Nous avons également entrepris la construction de l'hôpital le plus moderne d'Europe : un espace de 85 000 m2, 3500 pièces, une capacité de 860 lits d'hospitalisation et de 150000 consultations par an. Il est également doté d'une sale d'urgence entièrement intégrée d’une capacité de 80000 patients, de 16 salles opératoires et d’une infrastructure de très haut niveau.

 

Nous avons construit un réseau d’hôpitaux et de médecins généralistes, et vu augmenter le nombre de nos patients de plus de 40 % en cinq ans. Quand je suis arrivé en 2003, le centre accusait une perte de 36 millions d'euros. Nous nous attendons à des bénéfices en 2009. Nous avons également doublé notre production scientifique (publications, financement de projets et subventions) sur cette période de cinq ans.

 

) La partie « business » de votre function n'est pas typique pour un radiologue : Pourquoi avez-vous choisi de suivre un Master of Business Administration?

Le monde de l’entreprise m'a très longtemps intrigué. La décision de m'inscrire à un programme MBA a été davantage motivée par la curiosité intellectuelle que par le but avéré de me destiner à la gestion d'un hôpital. Actuellement, mon hobby de la gestion est devenu mon activité principale. La philosophie de prestation de service intrinsèque à la radiologie hospitalière apporte beaucoup aux pratiques de bonne gestion. Par conséquent, la transition n’a pas été aussi radicale que si j'avais aupa - ravant poursuivi une carrière, par exemple, de chirurgien.

 

) Avez-vous trouvé le passage à la function de directeur général très difficile?

Évidemment, les caractéristiques d'un tel poste ont beaucoup à voir avec la taille et la nature de l'activité gérée. À cet égard je ne connais pas d'institution plus complexe ou plus intéressante qu'un centre hospitalier universitaire. Je suis convaincu qu'un établissement dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 600 millions d'euros et qui emploie près de 7000 personnes à plein temps exige un leadership professionnel. Cinq ans après la transition, mon travail continue à me confronter à un large éventail de nouveaux défis. De solides bases médicales, en radiologie en l’occurrence, fournissent une bonne assise pour savoir gérer des situations encore plus critiques.

 

)Quelle est votre opinion à propos des difficultés rencontrées pour encourager les patients àla prévention en matière de santé?

L'attitude des patients par rapport aux soins en general est en rapide évolution : ils prennent en charge leur santé. Internet a grandement contribué à fournir des informations claires sur la qualité des prestations médicales optionnelles. C’est la même chose dans le domaine en pleine evolution de la médecine préventive. Ce marché devrait augmenter proportionnellement à la prise de conscience croissante par la population de ce sujet. Pour ne pas perturber cette evolution du marché, les médecins et plus particulièrement les radiologues devraient être attentifs à leurs prestations : ainsi, les examens d'imagerie exposant aux rayonnements ionisants n'ont aucune place en prévention secondaire.

 

) De nombreux administrateurs en radiologie trouvent que l’achat est un processus «douloureux ». Quel est votre conseil?

Pour aider les radiologues, nous avons centralisé toutes les décisions d'achat dans un département spécialisé où travaillent des experts. Le rôle du radiologue est essentiel pour définir les besoins spécifiques en imagerie. Nous demandons à nos radiologues d’être aussi précis que possible dans la définition des critères de choix et de les classer par ordre d’importance. Le reste du processus est suivi par les responsables des achats, qui ont une expérience dans l'analyse de toutes les données techniques et dans l’analyse des coûts. En ce qui concerne les aspects financiers, on ne se concentre plus tant sur des stricts coûts d'achat que sur des prix de revient sur la durée de vie des équipements. Avant de prendre une décision finale, chacun des arguments est donné au radiologue ou à tout autre médecin directement concerné par l'achat. Si un consensus ne peut être atteint, c’est le conseil d'administration qui prend la décision.

 

) Quels sont les principaux domains de gestion qu’un radiologue ambitieux devrait apprendre pour développer sa carrière?

L'aspect le plus important de la formation a trait à la radiologie en elle-même. Pour survivre dans un environnement complexe et compétitif, un radiologue a besoin d'avoir une connaissance médicale aussi étendue que possible. Cette compétence est la seule protection contre les luttes de territoire avec les cardiologues, gastroentérologues ou autres.

 

Le radiologue doit en savoir plus que le médecin traitant sur les techniques d'imagerie, les stratégies de diagnostic et les options thérapeutiques. Cela souligne une fois de plus la nécessité de sous-spécialisations au sein de l’activité très diversifiée de radiologie. Des compétences en gestion sont clairement la seconde priorité. L'embauche d'un gestionnaire qui n'a pas eu à supporter la formation très coûteuse en temps et en argent d’un radiologue peut être une alternative.

 

Cependant, je crois vraiment que la production de soins fonctionne de la même façon que la plupart des industries. Par conséquent, je recommande aux médecins qui veulent devenir des gestionnaires de s'inscrire dans des programmes généraux de MBA. Il y a évidemment une plus grande offer de programmes de ce type aux États-Unis mais l'Europe est en train de rattraper rapidement son retard.

 

) Pourriez-vous nous faire partager votre meilleur souvenir d’interne en radiologie?

L'une des expériences les plus mémorables au cours de mon internat en radiologie au Duke University Medical Center à Durham, Caroline du Nord, se réfère aux visites au sein du service de radiologie avec l’ancien directeur, le Dr Charles Potman. Alors qu’il était un radiologue universitaire des plus accomplis, il insistait pour qu’on lui présente l'histoire clinique de chaque patient avant d'interpréter tout examen d'imagerie y compris le plus simple, comme une radiographie pulmonaire. Interne, j’étais chargé de recueillir l’anamnèse de chaque patient. Cette expérience m'a enseigné que le travail des radiologues ne doit pas se limiter à l'interprétation d’images, mais qu’ils doivent plutôt se considerer comme une partie prenante critique du processus de décision médicale globale.

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