HealthManagement, Volume 5 - Numéro 1, 2012

Auteur

Dr rémy Demuth

Service de radiologie

Centre Hospitalier, Emile Mayrisch

Esch, Luxembourg

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Le Dr Rémy Demuth est président de la Société Luxembourgeoise de Radiologie. Il nous fait découvrir les spécificités de l’exercice de la radiologie dans son pays et partage avec nous ses convictions éthiques relatives notamment à l’importance du travail en équipe multidisciplinaire et à la qualité du contact avec le patient et le médecin demandeur, en insistant sur l’importance de la mise à jour de ses connaissances. Également président de la Section Radiologie de l'Union Européenne des Médecins-Spécialistes (UEMS), il souligne l’importance d’une coopération entre les différents organismes professionnels afin de faire évoluer notre profession au niveau politique.

 

Mon Intérêt Pour Une Profession Au Réel Dynamisme

Le choix de la radiologie a coïncidé avec la rencontre de ma future épouse. Pendant ma première année d’études médicales à la Léopold-Franzens-Universität d'Innsbruck, en Autriche, à la fin d’un cours d'anatomie, une étudiante a montré sa radiographie de la colonne cervicale à l'enseignant. Au cours de mes études, mon intérêt pour la radiologie s’est développé, je suis passé dans le service de radiologie de l'Hôpital universitaire d’Innsbruck… et la jeune personne en question est devenue mon épouse. C’est ainsi qu’a débuté mon intérêt pour une profession qui ne pouvait pas mieux me convenir : c’est une spécialité où l'évolution technologique est si rapide qu’elle nous interdit toute immobilité. Le développement professionnel continu est ainsi une notion inhérente à la pratique de l'imagerie médicale, ce qui donne à la profession de radiologue un réel dynamisme.

 

Mon activité clinique se déroule dans le plus grand hôpital du Luxembourg, né de la fusion de trois hôpitaux locaux.

Je travaille dans la plus grande structure hospitalière luxembourgeoise, le Centre Hospitalier Emile Mayrisch, né de la fusion de trois hôpitaux locaux entre 2004 et 2008, pour un total de 640 lits, plus de 200 médecins et 1 700 employés, répartis sur trois sites dans le sud du Luxembourg. Le service de radiologie effectue près de 135 000 examens par an (24 h /24 et 7 j /7,), dont environ 15 000 IRM et 2 000 examens de médecine nucléaire. Dans notre système de santé, chaque radiologue assure principalement, sinon exclusivement, une activité de radiologie clinique, l'activité académique étant dans notre spécialité assez rare. L’environnement hospitalier ayant considérablement change au cours de la dernière décennie à la suite du développement économique et de l’évolution des besoins, la flexibilité des radiologues est alors devenue essentielle. Nous mettons maintenant en avant la sur-spécialisation, mais il est clair que de bonnes qualifications en radiologie générale restent néanmoins essentielles afin de subvenir aux exigencies de la permanence des soins.

 

Les besoins radiologiques du Luxembourg ne se prêtent pas à un niveau élevé de sur-spécialisation.

Comme au Luxembourg il n'existe actuellement pas de programme de formation pour la majorité des spécialités médicales, les jeunes radiologues doivent suivre leur spécialisation à l'étranger. Le développement de surspécialisations se heurte à la réalité des besoins et des infrastructures en place : la population locale et le volume d'activité clinique ne nous permettent pas d’organiser des équipes complètes de sur-spécialistes de haut niveau dans chaque hôpital. À l’heure actuelle, il est impensable de couvrir les frais d'un tel service de pointe dans un État d’un demi-million d’habitants, ou de les rétribuer correctement. La participation obligatoire au service de gardes représente la deuxième difficulté majeure car elle suppose que chaque radiologue ait d'excellentes connaissances en radiologie générale.

 

La démographie médicale rencontre au Luxembourg les mêmes problèmes que dans la plupart des pays européens : l'accès aux études de médecine, a fortiori à une spécialisation, est devenu plus difficile, nos étudiants étant confrontés à des problèmes d'accès à certaines formations au cours de leurs études. La radiologie reste néanmoins une spécialité médicale très attractive pour qui souhaite exercer une activité clinique à forte composante de technicité.

 

L'accès à la formation permanente, indispensable dans une profession où l’évolution technologique est si rapide, est un défi dans un petit pays limité dans ses infrastructures.

À mon avis, la principale difficulté pour les radiologues au Luxembourg est l’évolution technologique rapide et l’obligation d’assurer sa formation continue tout au long de sa carrière professionelle. L’autre défi pour le système de sécurité sociale est d’ordre financier, lié aux changements démographiques avec une population vieillissante qui augmente la pression sur le système. Ainsi, la part des années de vie productive (et donc de cotisation financière au système) est en baisse constante par rapport à la durée de vie globale (et de consommation de soins). Si le cadre juridique et social ne change pas, l'équilibre économique du système de santé ne sera plus garanti.

 

Sinon, nous sommes confrontés aux mêmes difficulties que les autres pays européens concernant l'investissement dans les technologies les plus récentes, l’exigence croissante de développer nos connaissances de gestion, et celle d’acquérir les compétences économiques indispensables pour contrarier les rivalités interdisciplinaires. Nous devons accorder plus d’attention à notre présence auprès du patient, et faire reconnaître la valeur ajoutée d'un radiologue bien formé à la gestion clinique d'un grand nombre de maladies. Si nous reflétons une réelle exigence basée sur la qualité radiologique et un contact optimise avec les patients et les médecins demandeurs, il en résultera le meilleur des « retours sur investissement » : notre crédibilité nous assurera l'accès à la technologie de pointe sur la longue durée.

 

Pour un objectif aussi ambitieux, nous ne devons pas seulement acquérir les meilleures connaissances et des competences professionnelles exceptionnelles. Consacrer notre temps et nos moyens à un travail uniquement centre sur la radiologie se révèlerait contre-productif à longue échéance : nous devons développer un esprit professionnel guidé par des convictions éthiques et une conscience sociale. En même temps, la collaboration que nous entretenons avec nos collègues cliniciens doit être parfaitement structurée afin d'éviter de longues réunions aux resultants médiocres. Les gestionnaires doivent veiller à ce que le travail effectué en équipes pluridisciplinaires soit un outil constructif et productif pour chacun. Sans les bons outils, il y a risque de démotivation, et le dynamism vital nécessaire se perdra.

 

Il y a Peu De Listes d'Attente Au Luxembourg.

Nous avons la chance de pouvoir satisfaire convenablement les besoins de nos patients dans la mesure où nous sommes en autogestion. Les temps d'attente pour les examens de routine sont très courts si on les compare aux autres pays européens, que ce soit pour les patients hospitalises ou pour les examens effectués en externe. Toutefois, nous devons garder comme priorité la poursuite des investissements ; le progrès technologique dépassant notre politique d'investissement actuelle, notre système de santé montre ici ses limites. En grande partie, ce sont les radiologues qui, avec leurs motivations personnelles, contrôlent (et parfois même décident) la répartition de la disponibilité des différentes modalités, puisque nous travaillons dans un partenariat public-privé. Le personnel hospitalier – dont le salaire et la sécurité de l’emploi ne dépendent pas directement du patient – se voit de son côté attribuér des responsabilités dans la gestion des listes d'attente.

 

À l'heure actuelle, c’est dans le secteur public que s’effectuent la majorité des actes de radiologie mais ses insuffisances pourraient ouvrir la voie à une nouvelle ère de services privés. Jusqu'à présent, l'activité radiologique est presque exclusivement réalisée dans les hôpitaux (publics ou privés), les radiologues travaillant en activité libérale ayant leur cabinet établi à l’intérieur des hôpitaux. La situation est donc un peu particulière au Luxembourg. L'investissement dans les modalités coûteuses est très réglementé et les insuffisances des budgets pour la santé ne permettent ni d’évoluer au gré des développements techniques, ni de rapidement répondre aux besoins constatés. C’est un réel danger pour les services de radiologie, comme d’ailleurs pour tout service clinique coûteux.

 

L'Audit Est Un Processus Très Répandu En Europe Et Dans Notre Pays.

En Europe, l'audit en santé a pris une grande place, et plus encore dans le cadre législatif européen depuis que la directive sur les soins de santé transfrontaliers (2011/24/EU) a mis l'accent sur l'évaluation des technologies et prestations de santé. Les législations nationals reflètent la même évolution : l’obligation d’audit est intégrée dans l'entreprise hospitalière. Nos services de radiologie étant soumis aux mêmes contraintes budgétaires, un contrôle de la qualité et une saine gestion conditionnent l’obtention des financements. Dans un service de radiologie, nous avons en général affaire à des risques assez spécifiques et prévisibles (par exemple, les risques liés à l’exposition aux rayonnements ionisants et non ionisants, ou aux produits de contraste, etc.), de sorte que les autorités de sécurité sociale et de santé publique disposent de paramètres très clairs à contrôler.

 

La Société Luxembourgeoise De Radiologie Joue Son Rôle Dans La Formation Mais Chaque Radiologue Doit Assumer La Responsabilité De Son Propre Niveau De Compétence.

La Société luxembourgeoise de radiologie joue un role en tant que promoteur et organisateur de manifestations éducatives et de formation continue. Notre accreditation comme organisateur a été récemment étendue dans ce domaine par l’Institut luxembourgeois pour la formation médicale continue (ILFMC). Toutefois, il est de la responsabilité de chacun de planifier sa carrière professionnelle. La société de radiologie fournit à chacun de ses membres l’agenda le plus complet possible des événements qui ont lieu dans les pays proches et dans toute l'Europe, lui permettant de choisir selon ses goûts et preferences personnelles le système éducatif ou la langue qui lui conviennent le mieux. Toutes ces informations sont à leur disposition sur notre site Web nouvellement conçu www.slr.radiologie.lu.

 

L'Autonomie Des Manipulateurs Est En Général Assez Limitée Au Luxembourg, Mais Les Radiologues Ont La Possibilité De Leur Donner Plus De Responsabilités.

Dans notre cadre législatif relativement traditionnel, l’activité médicale est le privilège du médecin, qui doit s'acquitter de ses obligations légales de qualification et d'inscription sur la liste professionnelle de l’Ordre. L’activité médicale étant définie entre autres comme « l'établissement d'un diagnostic » dans le droit national en vigueur, le rôle du manipulateur est d’assister le radiologue ou le praticien. L’exécution d'un examen diagnostique ou la rédaction d'un compte rendu par un assistant technique représente donc une pratique illégale au Luxembourg.

 

Il faut savoir que le niveau individuel d’expertise professionnelle personnelle des manipulateurs est très hétérogène dans notre petit pays car la majorité des membres du personnel clinique ont reçu leur formation à l'étranger. En réalité, c'est le radiologue qui prend la décision, de façon individuelle et personnelle, de déléguer en partie ses propres tâches à un manipulateur particulier. À mon avis, les principaux facteurs pouvant limiter une plus grande autonomie des manipulateurs sont la confiance mutuelle personnelle et la crédibilité professionnelle, deux conditions qui devraient se développer entre partenaires de travail ayant établi une relation de confiance.

 

Mon Intérêt Pour La Radiologie Au Niveau Européen m’a Confirmé Que Les Bonnes Alliances Sont De Puissants Moteurs Du Changement.

Au cours de ma carrière, j'ai rencontré des personnes avec lesquelles il était possible de bâtir une action commune ou de mener des combats politiques au niveau européen afin d’amener de nouvelles idées à se réali- ser. Par exemple, par l’action commune de l’initiative « Alliance pour l'IRM » nous avons réussi, ensemble, à provoquer la révision d’une directive européenne. Ce fut un bel exemple de lobbying efficace, en travaillant directement en faveur des soins aux patients et simultanément d'un très important outil de diagnostic, honoré par un prix Nobel. Cela a également montré que la coopération entre les différents organismes professionnels tels que l'Union Européenne des Médecins- Spécialistes (UEMS) et la Société Européenne de Radiologie (ESR) pouvait atteindre des objectifs professionnels élevés.

 

L'UEMS Est La Plus Ancienne Union International De Professionnels Médicaux En Europe.

Le travail accompli par nos prédécesseurs à l'UEMS est impressionnant et j'espère être leur digne successeur. Créée en 1958 par six organisations membres fondateurs (d’Allemagne, de Belgique, de France, d’Italie, du Luxembourg et des Pays-Bas), l'UEMS représente aujourd'hui plus de 1,4 millions de médecins spécialistes fédérés dans 30 organisations nationales et travaillant dans 38 sections spécialisées. Le formidable travail qui a déjà été accompli est une garantie très forte pour la cohérence et la qualité des soins médicaux en Europe ; les sections définissent les programmes de formation des spécialités ; le Conseil Européen d'Accréditation pour la Formation Médicale Continue (EACCME) s’occupe de l'accréditation des rencontres et autres événements de formation médicale continue / développement professionnel continu (FMC / DPC) sur base de critères élevés, adaptés en permanence aux exigences de l’évolution scientifique et de la société. En plus, des activités de conseil auprès du Parlement européen et de la Commission européenne sont régulièrement demandées.

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