HealthManagement, Volume 5 - Numéro 1, 2012

Auteur

Prof. Pierre-Jean Valette

Service d’Imagerie

Centre Hospitalier de Lyon

Hospices Civils de Lyon, Lyon, France

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Si l’évitement d’éventuelles poursuites judiciaires consecutives à une erreur peut être l’un des effets positifs d’une démarche de gestion des risques en cours d’intervention, il serait regrettable de limiter celle-ci à ce seul objectif. La finalité de cette demarche doit avant tout être « le meilleur soin au patient ». Dès lors, la prévention du risque doit dépasser le strict cadre des conditions techniques de réalisation d’un acte interventionnel, pour s’attacher à rechercher toutes les causes de dysfonctionnement possible, depuis l’indication opératoire jusqu’à la prise en charge au décours du traitement.

 

La démarche de prévention du risque est par ailleurs un état d’esprit. La liste des points de vigilance indiquée dans cet article, de même que les solutions organisationnelles et techniques proposes en réponse, ne doivent pas faire oublier ce qui est avant tout la meilleure des préventions : l’attention à l’autre, la comprehension de son problème, l’explication honnête et claire avec des mots adaptés, et surtout la présence en cas d’incident.

 

Enfin, et comme l’annonçait Nietzsche qui voyait dans l’annihilation du risque une source d’affaiblissement, on n’oubliera pas que le refus du risque est illusoire et représente la pire des postures. L’objectif doit plutôt être celui du meilleur rapport bénéfice risque, seule option possible dans de nombreuses situations médicales critiques. C’est alors que la gestion du risque prend tout son sens.

 

L’Indication Thérapeutique, Premier Risque Et Non Des Moindres

L’indication thérapeutique est le premier temps mais aussi le premier risque et non des moindres : celui de faire le mauvais choix. Elle repose sur une parfaite connaissance du cas à traiter, avec un diagnostic de certitude, une expertise radiologique optimale des lésions à traiter, un bilan d’extension en cas de pathologie tumorale. Le radiologue trouve ici sa place au titre du bilan d’imagerie qui doit donc être complet et dont il assume la qualité.

 

Plus intéressant est le processus décisionnel qui conduit à l’indication, notamment dans le contexte actuel des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP). Il ne s’agit pas tant d’obtenir les conditions de la détermination d’une indication qui soit indiscutable car il apparaît souvent que plusieurs options sont légitimement défendables. La question est plutôt celle de la place du radiologue lors d’un raisonnement associant plusieurs spécialistes et dans lequel il a deux rôles : celui d’exposer la situation à partir d’un dossier dont le bilan peut avoir été réalisé par ailleurs et, éventuellement, celui de proposer un traitement relevant de sa compétence interventionnelle. L’exercice n’est en effet pas sans risque pour le radiologue lorsque sont proposés à son expertise des cas dont il doit prendre connaissance en temps réel et assurer la présentation de manière synthétique en quelques minutes. Le problème est alors de méconnaître un élément caché du bilan radiologique qui pourrait remettre en cause la stratégie thérapeutique, qu’elle relève d’un geste de radiologie interventionnelle ou autre. Il appartient alors au radiologue de savoir refuser de se prononcer et de demander un report de la décision après une analyse plus soigneuse du dossier.

 

Une autre question est celle du projet thérapeutique qui doit prévoir l’enchaînement éventuel de différents traitements, parmi lesquels ceux de la radiologie interventionnelle. L’exemple schématique de la complexité des interactions médicales est celui d’un foie polymétastatique relevant d’une radiofréquence de certaines lésions, d’un repérage par clips avant chimiothérapie d’autres lésions, d’une embolisation portale, et enfin d’une chirurgie associant hépatectomie et résections locales des lésions résiduelles. Le risque dans cet exemple est celui de l’incertitude sur les lesions à traiter ou à repérer au moment de la prise en charge radiologique initiale lorsque l’identification de chaque lésion au regard du traitement dont elle relève n’est pas explicite.

 

La solution à ces problèmes passe par la mise en place d’un processus de récupération anticipée des dossiers permettant au radiologue d’en prendre connaissance avant la RCP (et accessoirement d’intégrer au PACS des CD extérieurs), par l’utilisation de logiciels de planification thérapeutique permettant de labelliser et d’indiquer le traitement de chaque lésion, et par la mise à disposition du projet thérapeutique ainsi schématisé à l’ensemble des médecins en charge du patient, ceci par le canal d’un dossier de cancérologie informatisé mis en oeuvre lors de la RCP.

 

La Consultation Pré-Interventionnelle, Moment Privilégié De La Relation Au Patient

La consultation pré-interventionnelle est le moment privilégié de la relation au patient et de l’anticipation des conditions de realisation du geste. L’obligation de cette consultation est prévue dans les textes depuis plusieurs années avec pour principal motif l’exposé des complications éventuelles des traitements proposés. On sait que le dispositif, aussi formalisé soit-il par des documents écrits et contresignés par le malade, ne constitue en rien une protection contre un éventuel recours en cas d’accident.

 

L’intérêt de cette consultation, qui est effectivement indispensable, doit donc être vu ailleurs. Le point essentiel est de permettre au malade d’identifier le médecin qui le prendra en charge et d’établir ainsi la relation de confiance nécessaire au résultat d’un geste interventionnel. Les risques du traitement y sont bien entendu expliqués, mais aussi son objectif, ses chances de réussite, et sa place parmi l’ensemble des thérapeutiques envisagées.

 

Cette consultation, éventuellement couplée à une échographie ou à un scanner en position de traitement, est par ailleurs l’occasion de vérifier les conditions techniques de repérage des lésions et d’installation du patient. Elle permet aussi de valider si nécessaire le côté à traiter, de préciser le nombre et la position des lésions, d’anticiper les outils ancillaires indispensables (nombre et taille des aiguilles de RF ou de cryothérapie, des cathéters et endoprothèses, des matériels et autres produits d’embolisation, etc.). La qualité du bilan radiologique préalable et les risques liés à un problem biologique (infection, hémostase, etc.) y sont vérifiés et si nécessaire corrigés. La consultation est enfin le moment de juger de la difficulté prévisionnelle du geste et d’approcher la psychologie du patient, ceci de façon à décider en collaboration avec l’anesthésiste – qui dans l’idéal assurera sa consultation dans le même temps – du type d’anesthésie nécessaire.

 

Toutes ces données doivent être consignées par écrit afin d’être récupérées en temps utile par les manipulateurs qui seront en charge de l’installation du patient et de la préparation de la salle interventionnelle. Là encore, la gestion informatisée du processus est souhaitable car elle assure l’exhaustivité de la démarche et sa traçabilité dès lors que le remplissage de la fiche de consultation s’impose au radiologue dans sa liste des tâches.

 

L’Acte Interventionnel : Prévenir Les Risques Techniques Et Médicaux Evitables

La gestion du risque au moment de l’acte interventionnel fait appel au principe de la « checklist » inspiré du monde de l’aéronautique. Ce principe fait depuis janvier 2010 l’objet d’une obligation réglementaire dans les blocs opératoires et devrait voir son application s’étendre aux actes de radiologie interventionnelle sous l’impulsion de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui en propose un modèle sur son site internet.

 

L’objectif est d’améliorer le partage des informations et de realise une vérification croisée de critères considérés comme essentiels avant, pendant et après toute intervention chirurgicale. Des publications ont montré l’efficacité de la méthode, faisant passer dans une étude conduite dans plusieurs centres nord américains en 2008 1, le taux de mortalité de 1,5 % à 0,8 %, et le taux de complications (tous types confondus) de 11 % à 7 %.

 

D’autres études soulignent le gain de temps opératoire, avantage qui toutefois se fait souvent au détriment du temps d’installation et de préparation, mettant ainsi en avant la contrainte sur les personnels soignants. La question de l’acceptabilité de cette nouvelle tâche est donc posée et les difficultés de sa mise en oeuvre ne peuvent être occultées.

 

La spécificité des activités (endoscopie, radiologie interventionnelle) suppose par ailleurs une adaptation d’un modèle générique dont les grandes lignes restent néanmoins constantes :

1. Au moment de l’installation et avant sédation : vérification de l’identité du patient, confirmation de l’intervention et du site opératoire, contrôle de l’installation et de l’état cutané du patient, presence des équipements nécessaires, et vérification des points critiques liés au patient (allergies, fonction rénale, coagulation, etc.);

2. Avant l’intervention : vérification ultime des points precedents et correction si nécessaire, fonctionnement des équipements, qualité de l’asepsie… auxquels on pourra rajouter en milieu radiologique la mise en place et le port des équipements de radioprotection des personnels ;

3. Après l’intervention : cotation de l’acte, conditionnement des prélèvements biologiques, déclaration des évènements indésirables, saisie des matériels utilisés, dosimétrie patient et feuille de liaison à l’adresse du service clinique comportant les prescriptions et recommandations à court terme.

 

Inévitablement, la mise en oeuvre, la traçabilité et la conservation de ces données devrait à nouveau faire appel à un système d’information adapté. Le RIS doit ainsi offrir une nouvelle fonctionnalité qu’il convient maintenant aux éditeurs de logiciels de développer.

 

Le Suivi Post-Interventionnel : Gérer Les Suites

La fin de l’acte interventionnel ne marque bien entendu pas la fin de la prise en charge, même si celle-ci relève de soins assures dans un secteur d’hospitalisation non géré par l’équipe radiologique. Le principe même des gestes de radiologie interventionnelle est du reste souvent mal compris des personnels soignants des services cliniques.

 

Il convient d’y remédier par la rédaction d’une fiche de liaison standardisée permettant d’expliquer le geste réalisé, d’assurer la transmission des recommandations pour le suivi du patient et éventuellement la maintenance des drains, et de transmettre les alertes consécutives à d’éventuelles difficultés peropératoires.

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